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« En faisant un hackathon dédié à l’agriculture, on entre dans le monde de demain »

Hervé Pillaud est agriculteur en Vendée et impliqué dans plusieurs organismes professionnels agricoles, aux échelles locale et nationale. Il est également passionné par la communication et les réseaux sociaux.

Il sera présent au comice agricole du Perche et du Dunois, du 12 au 14 juin à La Loupe. Et pour cause : il est l’un des mentors du « hackathon » e-agriculture, un concours de programmation qui vise à créer des projets numériques au service de l’agriculture. Il répond aux questions d’Horizons.

Horizons : Le hackathon du comice de La Loupe sera un hackathon « e-agriculture ». Quel intérêt ce type de concours peut-il avoir pour l’agriculture ?

Hervé Pillaud : C’est un moyen d’avoir des réponses à des questions qu’on se pose en agriculture. Les codeurs vont répondre à des commandes et donner des solutions qu’on n’imagine pas. Le but ultime, pour nous, est d’attirer la multitude, pour reprendre le terme tiré du titre de l’ouvrage de Henri Verdier et Nicolas Colin : « L’âge de la multitude : entreprendre et gouverner après la révolution numérique ». La multitude, c’est l’apport de toutes ces compétences pour apporter un enrichissement.

Le système du hackathon n’entre pas dans les process de recherche et développement classiques, mais donne de très bons résultats. En faisant un hackathon dédié à l’agriculture, on entre dans le monde de demain. Jusque là, tout ce qu’on fait est un peu agricolo-agricole. Il faut mettre de la transversalité et s’ouvrir à tout ce qui nous entoure.

Le hackathon va se dérouler durant tout le week-end. Quarante-huit heures, n’est-ce pas un peu court pour créer des applications utiles et efficaces ?

C’est un vrai challenge ! En général, un hackathon dure quarante-huit heures parce que les participants travaillent par ailleurs et viennent pendant le week-end. Le concours se fait par équipe, il génère un entraînement des gens les uns avec les autres, une émulation. Et en quarante-huit heures, ça fonctionne : les gens ont déjà réfléchi à leurs projets en amont.

Le principe est un peu le même que le concours Agreen startup, que j’ai organisé à La-Roche-sur-Yon (Vendée) et au salon de l’Agriculture, et qu’on refera à Châteaudun les 3 et 4 octobre : pendant quarante-huit heures, on donnera la possibilité à des gens qui ont des projets de startup de venir les monter.

Vous faites partie des coachs et des mentors du hackathon. Quel sera votre rôle ?

Le rôle du coach, c’est suivre les équipes, regarder en permanence ce qui va et ce qui ne va pas, les accompagner. Etre mentor, c’est plutôt apporter une expertise sur un domaine particulier : comment monter un business plan, comme rechercher un financement, comment présenter son projet. Nous sommes là pour apporter un certain nombre de compétences, par exemple sur des choses plus techniques comme la conduite agronomique d’une exploitation.

Vous vous intéressez à la thématique du big data en agriculture. Quelle priorité faut-il donner à la quantité importante de données que fournit l’agriculture ?

Le big data, c’est la masse de données. Par nature, il n’a pas de priorité, il est global. mais on peut cibler l’utilisation qu’on en fait.
Ce qui sort du big data agricole, ce sont des outils d’aide à la décision : des OAD. Pour moi, il n’y pas de priorité, on va aller vers une vision transversale des choses. Il y a une finalité économique : l’OAD doit améliorer la rentabilité de l’exploitation. Dans le même temps, le respect de l’environnement est un souci majeur qui doit désormais être intégré là-dedans. Et il y a bien sûr le confort de travail de l’agriculteur : l’OAD doit l’aider dans ses démarches et sa vision des choses.

A l’image de Google, qui vient d’investir dans un service de partage de données entre agriculteurs américains, les applications et réseaux qui utilisent le big data agricole ne vont-ils pas remettre en cause la structuration de nos institutions agricoles ?

Totalement. Actuellement, on a des données un peu partout : il y a celles de nos instituts, des chambres d’Agriculture, de l’Etat, de la recherche fondamentale, des exploitations, il y en a dans les coopératives, les centres de gestions. Si demain, on ne met pas en place une véritable plateforme des données agricoles à notre disposition, on est en grand danger. Car les géants du net comme Google, d’autres comme Monsanto, sauront agréger cet ensemble de données.

On a une mine, il faut absolument qu’on travaille. C’est aussi le but des hackathons : en mettant ces données à disposition, on les ouvrant à la multitude, on permet de générer d’autres données qui vont venir agrandir notre plateforme. Et plus il y a de données dans le big data, plus il est fiable.

L’arrivée du big data chez les agriculteurs va-t-elle renforcer leur autonomie de décision, ou au contraire la menacer, la rendre dépendante des « géants » qui gèrent les données ?

Les deux sont possibles. Ca dépend de ce qu’on fait de nos données : si on ouvre nos données au maximum, si on arrête de les protéger comme on le fait de façon contre-productive, on pourra maitriser notre autonomie de décision. Si demain nos données sont chez Google ou Monsanto, on risque de perdre beaucoup dans cette autonomie de décision.

C’est la raison majeure pour laquelle il faut absolument qu’on arrive à mettre en place une plateforme nationale. Non seulement il faut la mettre en place, mais il faut la rendre disponible pour faire d’autres applications et d’autres OAD.
L’arsenal juridique qu’on a à notre disposition n’est pas du tout adapté au monde du numérique. La révolution française a généré le code civil, la révolution industrielle a généré le code du travail. La révolution numérique devra générer ses propres codes.

Propos recueillis par Laure Sauvage

Crédit photo : Clément Pillaud

Retrouvez ci-dessous l’interview brute :

Pour aller plus loin :

Hervé Pillaud a publié sur son blog ce billet, dédié au thème de l’autonomie de décision des agriculteurs de demain face aux géants du big data.

Dans cette vidéo filmée lors des Terrenales, fin mai, il parle agriculture connectée, nouveaux modes de communication et réseaux sociaux. Il y évoque aussi la sortie prochaine de son livre.

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