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Cédric Cormier Dephy les lois de la nature

L’agriculteur beauceron est membre d’un réseau de fermes engagées dans une démarche de réduction des phytosanitaires : décryptage des solutions mises en œuvre et leurs limites.

© Olivier Joly

«J’ai toujours eu pour objectif de réduire les apports de produits nocifs pour la santé humaine et l’environnement » déclare Cédric Cormier, agriculteur à Yèvre-la-Ville et membre du réseau de fermes Dephy grandes cultures Beauce. L’homme, adepte du travail superficiel, explique : «Je pratique le semis de couverts végétaux en interculture depuis 2007 : je n’ai pas attendu que la réglementation l’impose ! Mon objectif final : des semis directs sous couvert vivant afin de recréer l’écosystème de la forêt. La nature se débrouille par elle-même : sans intervention de l’homme, on voit qu’il y a une vie dans le sol et c’est ce que je voudrais faire sur mes parcelles.»

Notre interlocuteur liste les avantages d’appartenir à un réseau : « On bénéficie d’un appui technique, on accède à des résultats et on découvre des façons différentes de travailler : c’est tous ensemble qu’on avancera. » Auparavant, lors de l’implantation de ses têtes d’assolement (betterave et colza), Cédric Cormier utilisait des engrais chimiques (phosphore et potasse). « Et, en fonction de l’analyse des sols, j’apportais les doses d’engrais azotés conseillées par la Chambre d’agriculture sur les céréales qui suivaient. Aujourd’hui, j’ai changé de procédé : phosphore, potasse et minéraux apportés par du compost issus de déchets verts. Je ne recours à la chimie que pour l’azote. » S’y est ajoutée l’intégration d’une légumineuse, le pois, pour fixer l’azote de l’air. «D’où une économie d’azote pour la céréale suivante.» Cette année 2016 marque également l’arrivée de la luzerne : «Celle-ci permet de couper la rotation des cultures, d’enrichir le sol en azote et de régler quelques problèmes de désherbage.» Or le chardon devient une problématique forte. « Par fauchages successifs, on arrête le chardon dans son développement et, au bout de quelques années, on finit par l’épuiser totalement.» La luzerne est implantée pour trois ans sur 15 ha. «Une des cultures les plus écologiques qui soit !»

L’impasse sur les fongicides

L’objectif du réseau de fermes Dephy consistait à réduire de 30 % en trois ans par rapport à la référence régionale l’utilisation des produits phytosanitaires. 2011 avait été une année sèche. «J’avais fait l’impasse sur les fongicides pour les céréales d’hiver. Mes sols sont très superficiels : il fallait garder de l’eau pour les betteraves en été et pour les semis de colza ensuite. Conséquence, en bridant l’irrigation sur les céréales, les plantes ont quasiment grillé sur place ! Apporter des fongicides, avec les coûts que cela engendre, n’avait aucun intérêt ! D’autant qu’en année sèche, on a peu de développement de maladies.»

Les années suivantes, le professionnel est revenu à un Indice de fréquence de traitement (IFT) herbicides et hors herbicides plus normal tout en restant sous la moyenne régionale, sauf en 2014 et 2015 : «2014 fut une année humide : le désherbage de printemps ne fut pas exceptionnel et il fallut rattraper la situation aux herbicides.» Le développement de maladies provoqua également un nombre de passages de fongicides plus important.

2015 fut plus sec. D’où un moindre recours aux fongicides. En revanche, depuis 2012, l’IFT herbicides de Cédric Cormier augmente régulièrement. « Il n’y a pas de règle pour réduire l’utilisation des produits chimiques. Les herbicides sont liés aux conditions lors de leur application. Quant aux fongicides, la météo dicte notre façon de faire. J’ai testé des solutions de biocontrôle. Or les résultats ne sont pas satisfaisants : il y a encore beaucoup de recherches à faire en la matière.»

L’an dernier, la météo permit à l’agriculteur loirétain de faire l’impasse de fongicides sur ses betteraves. «Mais les rendements furent décevants en raison de la pression de la rhizomanie. Depuis plusieurs années, malgré des variétés double-tolérantes à la rhizomanie et au nématode, mes rendements n’augmentent pas.» En 2015, (NDLR : 23 ha cultivés), ils furent de 79 t/ha ramenés à 16 pour six tours d’irrigation.

Conséquence : les coûts de production ne sont pas couverts. Notre interlocuteur est également confronté au rhizoctone violet. «Ces problèmes sont peut-être liés à l’historique des parcelles : depuis plusieurs décennies, elles ont reçu beaucoup de betteraves. D’où ma décision d’arrêter définitivement la production. Pour des raisons économiques, agronomiques et environnementales. La betterave est la culture la plus gourmande en intrants sur mon système d’exploitation. »

Des parcelles très caillouteuses

Pour réduire les phytosanitaires sur ses betteraves, le professionnel a essayé le binage. «Un binage évite un passage d’herbicides. Problème : sur des parcelles très caillouteuses, certaines mauvaises herbes ne sont pas arrachées. Et la météo ne permet pas toujours de biner : il faut qu’il fasse beau lors de l’intervention et les jours suivants afin que les mauvaises herbes dessèchent.» Autre solution : une implantation au strip-till.

«On travaille uniquement le rang où la plante va être implantée. Entre les rangs, on laisse un maximum de résidus du couvert végétal précédent pour limiter au maximum la montée des mauvaises herbes. Problème : le strip-till travaille en sol profond, ce qui n’est pas compatible avec mes terres caillouteuses.»

Lancé en 2009, le plan Ecophyto I visait à réduire de 50 % l’utilisation des pesticides à l’horizon 2018. Un objectif reporté à 2025 à travers Ecophyto II. Cédric Cormier conclut en ces termes : «C’est compliqué de fixer des objectifs précis de réduction des phytosanitaires. Je ne connais pas la météo d’ici 2025 ! Ce n’est pas par plaisir que les agriculteurs recourent à des produits qui ont un coût économique et qui sont préjudiciables à leur santé.»

Repère

Les réseaux de fermes Dephy sont l’émanation du plan Ecophyto 2018. On compte cent quatre-vingt-sept groupes en France, dont neuf en région Centre Val de Loire. Le réseau Dephy grandes cultures Beauce est né en 2011. Douze agriculteurs en font partie : trois du Loiret, cinq d’Eure-et-Loir et quatre du Loir-et-Cher. Les Chambres d’agriculture, les coopératives et les instituts techniques sont partenaires de l’action qui devrait se poursuivre avec Ecophyto II.

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