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Ukraine
En Ukraine, l'exploitation du Français Gérald Thomasset a été détruite

Français d'origine, Gérald Thomasset est installé en Ukraine depuis plus de vingt ans, à la tête d'un élevage de 16 000 canards à l'ouest de Kiev. Dès les premiers jours du conflit, son exploitation a été détruite. Récit.

Alors que le conflit dure toujours en Ukraine, les activités agricoles sont rendues de plus en plus difficiles, voire impossibles. Certains ont même vu leur exploitation détruite par les bombardements russes. Gérald Thomasset fait partie de ceux-là. Expatrié en Ukraine depuis plus de vingt ans, ce Français est à la tête d'un élevage de 16 000 canards et d'une société de transformation de viande à quelques encablures de Kiev.

Au lendemain des premières attaques russes, il a vu son outil de travail détruit et a été contraint de fuir à l'ouest du pays. Il raconte : « Les Russes sont arrivés dès les premiers jours du conflit, ils ont pris Tchernobyl et dans la foulée ils sont arrivés à Boutcha. Nous avons de suite été privés d'eau, d'électricité et nous n'avions pas d'information. L'angoisse est vite montée et nous savions que nous allions manquer rapidement du minimum vital. Nous avons pu sortir de la ville et j'ai choisi de partir. La route a été très longue en raison de l'afflux massif d'Ukrainiens qui cherchaient à fuir ». Après plusieurs jours sur les routes, Gérald Thomasset a trouvé refuge avec sa famille chez Bernard Wilem, à Lviv, à quelques kilomètres de la frontière polonaise (lire aussi ci-dessous).

« Obligé d'ouvrir les portes des bâtiments »

L'agriculteur décrit le chaos qui a frappé ses activités professionnelles : « Le 25 février, mes camions étaient partis effectuer leurs livraisons habituelles mais ils ont fait demi-tour, c'était trop dangereux. Nous nous sommes retrouvés avec presque 8 tonnes de viande fraîche ainsi que près de 15 tonnes dans les congélateurs, sans électricité. Nous avons distribué à la population locale car tout allait être perdu ». À la suite, son entreprise a été victime de pillages avant d'être entièrement bombardée.

Quant à l'élevage de canards, situé à Borodyanka, une trentaine de kilomètres plus à l'ouest, là aussi les problèmes d'eau et d'électricité sont vite arrivés. « Nous avons, là aussi, proposé des canards à la population locale et puis, vient le moment où l'on ne peut plus leur donner ni à boire ni à manger. Alors on ouvre les portes des bâtiments. Dehors il y a un peu d'eau, un peu de neige, et advienne que pourra…, raconte Gérald Thomasset, désemparé. C'est toute ma vie professionnelle qui a été anéantie ».

« J'aurai la force de repartir de zéro »

Malgré tout, l'agriculteur — dont les parents vivent en ­Normandie — n'envisage pas de rentrer en France. « Pour le moment, je reste ici. L'Ukraine, c'est chez moi, j'y ai construit ma famille, affirme celui dont les activités enregistraient 3 millions d'euros de chiffre d'affaires annuel. Je connais les codes du pays, j'aurai la force de repartir de zéro, je garde espoir ».


Des nouvelles de Bernard Wilem

Depuis notre précédent article, Horizons entretient des contacts réguliers avec Bernard Wilem. L'agriculteur d'origine belge a transformé sa fromagerie en dortoir et recueilli plusieurs familles de l'est de l'Ukraine. Lui aussi est toujours déterminé à rester en Ukraine et à « défendre » sa ferme qui ferait selon lui l'objet de pillage sitôt qu'il la quitterait. « La production de fromage est arrêtée, je tiens pour le moment avec mes réserves pour nourrir mes chèvres. Je fais appel aux personnes que j'héberge pour donner un coup de main car je ne trouve plus personne pour travailler ».


Retour sur six ans de jumelage entre Lviv et l'Île-de-France

Avant la crise sanitaire, les voyages d'échanges entre l'Île-de-France et la région de Lviv étaient fréquents.
Le jumelage entre la chambre d'Agriculture de Lviv, en Ukraine, et la chambre d'Agriculture de région Île-de-France remonte à 2016. À ce moment-là, Christophe Hillairet, alors président de la chambre d'Agriculture interdépartementale d'Île-de-France, est sollicité pour aller parler du marché du foncier. « Le premier voyage en a entraîné un autre et des liens se sont tissés de fil en aiguille. Avant la crise Covid, j'allais en Ukraine environ deux fois par an. Là-bas, il n'y a pas de petite exploitation, la ferme moyenne fait 7 500 hectares. Mais ils ne sont absolument pas structurés comme nous et la chambre d'Agriculture ne délivre pas de conseils techniques comme nous », explique Christophe Hillairet, avant de poursuivre : « Nous avons apporté du conseil technique, sur les fruits rouges et l'apiculture notamment, lors d'un voyage où j'avais emmené certains de nos techniciens. Par l'intermédiaire de l'ambassade de France en Ukraine et de l'Alliance française qui traduisait certains échanges, les contacts se sont poursuivis et nous les avons accompagnés à certains moments sur des questions techniques ». Une délégation ukrainienne était également venue en France il y a quatre ans et avait notamment participé à la Foire de Coulommiers (Seine-et-Marne).
Le président de la Chambre se voit également aller plus loin dans le partenariat avec Lviv si un jour la situation le permet de nouveau : « J'espérais financer avec la Région l'embauche d'un jeune ukrainien qui serait venu se former avec nous en France durant trois ans puis serait reparti avec ses connaissances en Ukraine ». Pour le moment, Christophe Hillairet prend régulièrement des nouvelles de ses contacts et l'heure est à l'opération de solidarité. Les antennes locales des chambres d'Agriculture recueillent les dons et les agriculteurs susceptibles d'accueillir des réfugiés sont invités à se faire connaître.
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