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« Il ne faut pas que les grains de sable deviennent de gros cailloux »

En ce temps d’épidémie de coronavirus, Philippe Noyau, président de la chambre d’Agriculture Centre-Val de Loire, fait un point agricole.

Horizons : À ce jour, quels sont les impacts de cette pandémie sur le secteur agricole  ?

Philippe Noyau  : Nous découvrons tous les jours de nouveaux problèmes… Et le risque, c’est de voir les grains de sable s’accumuler et gripper très vite la machine  ! Comme l’a rappelé le ministre Didier Guillaume, « en ces temps bouleversés, la chaîne agro-alimentaire et l’activité agricole constituent des activités vitales pour la population ». Il faut donc permettre à nos agriculteurs et à nos filières de continuer à produire tout aussi efficacement. À ce jour, la filière horti-pépi est très impactée, mais aussi les maraîchers et les vignerons de la Région. Les filières ovine, caprine, bovins viandes, restent vigilantes sur les débouchés…

Durant cette pandémie, le maintien des marchés (fermés ou de plein air) et des boutiques à la ferme est indispensable à toute la profession agricole afin d’écouler une partie de la marchandise. Ce sont des lieux de vente essentiels à notre tissu de petits producteurs maraîchers et pour les éleveurs pratiquant la vente directe. Il faut maintenir tous ces lieux de vente ouverts, tout en assurant la biosécurité des clients et des vendeurs.

Concernant la filière horti-pépi  ?

C’est un cri d’alarme qui est lancé  ! Il est important de rappeler que le gros de l’activité horti-pépi est censée se faire en ce moment… Or, en raison de la fermeture des commerces non essentiels, fleuristes ou jardineries, tous les contrats sont en train de tomber les uns après les autres. C’est une catastrophe économique. Dans la région Centre-Val de Loire, qui compte 280 horticulteurs et pépiniéristes, c’est 80  % de pertes de chiffre d’affaire annoncées. C’est affligeant de se dire que ces professionnels qui ont travaillé toute l’année et déjà payé toutes leurs charges sont condamnés à jeter leurs plantes et fleurs.

En solutions de secours, il leur reste d’essayer d’écouler leur marchandise en direct sur leur exploitation et auprès des revendeurs autorisés à s’installer sur les marchés en plein air. Ça ne fonctionnera que si l’État n’interdit pas les marchés et permet aux citoyens de pouvoir se rendre sur les exploitations comme s’ils se rendaient dans une supérette.

Le Covid-19 a-t-il un impact sur le recrutement des travailleurs saisonniers  ?

À l’heure où les agriculteurs ont besoin de la main d’oeuvre saisonnière pour récolter les productions, d’asperges et de fraises notamment, les frontières sont fermées avec plusieurs pays de l’est ou du sud de l’Europe, bloquant ainsi sa venue habituelle. Se pose aussi le problème du covoiturage, qui ne peut se faire qu’à deux dans une voiture… Or bien souvent il n’y a qu’un chauffeur pour un groupe. Pour que les exploitations continuent à produire, il faut des salariés sur les exploitations… Nous pourrions très bien nous appuyer sur les 11 000 chômeurs partiels en région Centre et les très nombreux étudiants. Venir travailler sur une exploitation est une bonne occasion de sortir de chez eux, de découvrir un métier et d’être utiles et solidaires.

Dans ce contexte de crise sanitaire majeure et de confinement, comment agit le réseau des chambres d’Agriculture  ?

En ces temps difficiles c’est le boulot des Chambre de rassurer les agriculteurs et leurs salariés. L’ensemble des collaborateurs et des conseillers restent ainsi au travail et à l’écoute des agriculteurs, par mail ou par téléphone. Une foire aux questions sur le Covid-19 a également été mise en ligne sur les sites des Chambres. Mise à jour régulièrement, cette FAQ répond aux principales questions posées sur les impacts du coronavirus  : d’ordre administratif, réglementaire ou plus général (circuits courts, élevage, environnement, entreprise, Pac…). Nous prenons le temps de répondre, étudier branche par branche, analyser les problématiques pour rassurer l’agriculteur qui embauche et le salarié qui viendra sur son exploitation.

Nous sommes bien évidemment aussi en lien direct avec les services de l’État et les banques pour soutenir les filières les plus touchées par cette crise. En plus du report des charges, chômage partiel, prêts à court terme, réorientation des cap filières, il va falloir débloquer du cash, aller à la pêche aux subventions et demander une année blanche. Nous avons tiré la sonnette d’alarme, il ne faut pas que les grains de sable deviennent de gros cailloux d’ici 15 jours… Il faut rassurer les gens pour que les entreprises continuent de tourner. 60  % de la production est encore faite en Espagne et Italie et 80  % en Allemagne. L’économie peut donc continuer de fonctionner en France aussi.

Qu’est ce que vous aimeriez dire aux consommateurs  ?
C’est le moment de consommer français, d’acheter des produits de saison près de chez soi  ! Au quotidien, les agriculteurs se battent pour continuer de nourrir la population. Mais pour qu’ils puissent poursuivre leur travail, il faut que la chaîne fonctionne sans rupture et que les citoyens jouent le jeu et consomment local. Dans cette situation d’urgence sanitaire, c’est d’autant plus désolant de constater que l’on jette encore des produits français… Nous jetons des fraises de la région alors qu’en même temps nous en importons d’Espagne. Il faut des achats plus responsables et raisonnables. C’est dès maintenant que l’on construit l’après-virus. Il faut écrire la page et repenser l’économie circulaire dans un contrat tripartite entre les agriculteurs, l’État et la société.

Propos recueillis par Doriane Mantez

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