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La loi Duplomb partiellement censurée
Le Conseil constitutionnel a partiellement validé la loi visant à lever les contraintes à l’exercice du métier d’agriculteur. Les neufs membres de cette instance ont estimé que l’article 2 qui envisageait le retour de l’acétamipride n’était pas compatible avec la Charte sur l’Environnement.
Le Conseil constitutionnel a partiellement validé la loi visant à lever les contraintes à l’exercice du métier d’agriculteur. Les neufs membres de cette instance ont estimé que l’article 2 qui envisageait le retour de l’acétamipride n’était pas compatible avec la Charte sur l’Environnement.

La décision est tombée le 7 août en fin de journée. Le Conseil constitutionnel a partiellement validé la loi visant à lever les contraintes à l’exercice du métier d’agriculteur, coécrite par les sénateurs Laurent Duplomb (LR, Haute-Loire) et Franck Menonville (UDI, Meuse). Les neufs membres de cette instance ont estimé que l’article 2 qui envisageait le retour de l’acétamipride n’était pas compatible avec la Charte sur l’Environnement. « Faute d'encadrement suffisant, cette mesure est contraire au "cadre défini par sa jurisprudence, découlant de la Charte de l'environnement », ont justifié les neuf membres.
Comme l’avaient rappelé à plusieurs reprises les auteurs de la loi et les syndicats agricoles, cet article visait seulement à mettre un terme aux surtranspositions et revenir au droit européen. D’autant que 26 des 27 pays de l’Union européenne utilisent encore ce produit phytosanitaire, interdit en France depuis 2018… Par ailleurs, le Conseil constitutionnel a émis deux réserves d’interprétation sur des dispositions facilitant l’implantation de certains ouvrages de stockage d’eau. Le reste de la loi a été validé à l’exception d’un « cavalier législatif », indique le communiqué du Conseil.
« Divergence avec le droit européen »
Les réactions n’ont pas tardé à venir, notamment du côté de la FNSEA et de Jeunes Agriculteurs. Les deux syndicats « prennent acte de cette décision (…) Cette loi donne un début de visibilité aux agriculteurs sur des sujets » qu’ils ont portés « tels que la gestion de l'eau, l'allègement administratif, un meilleur encadrement des contrôles … », indique un communiqué commun des deux organisations. Cependant, elles estiment que cette décision « marque l'abandon pur et simple de certaines filières de l'agriculture française », et ce, « alors même que notre dépendance aux importations s'accentue au détriment de nos exigences sociales et environnementales ».
La ministre de l’Agriculture Annie Genevard s’est aussi émue, en termes diplomatiques, de la censure de l’article 2 : « (…Il) demeure donc une divergence entre le droit français et le droit européen, ce qui conserve les conditions d’une concurrence inéquitable faisant courir un risque de disparition de certaines filières », a-t-elle officiellement réagi sur les réseaux sociaux. Son prédécesseur rue de Varenne, Marc Fesneau, a estimé que « (…) refuser aux agriculteurs français les outils que d’autres utilisent, c’est les condamner à décliner. Comment prétendre défendre nos filières sans leur permettre de lutter à armes égales ?(…) sans justice pour nos agriculteurs, il n’y aura pas de résilience ni de souveraineté pour notre pays ».
Le Conseil « milite »
Les mots ont été plus durs du côté de Franck Sander, président de la Confédération générale des producteurs de betteraves qui attendait beaucoup du retour de l’acétamipride pour lutter contre la jaunisse des betteraves « Inacceptable ! Inadmissible ! La France a fait le choix des importations plutôt que de la production. Elle signe ici la mise en péril de la filière betterave et l’ouverture d’importations de sucre ... le tout produit avec de l’acétamipride », a-t-il tweeté sur son compte X.
La députée européenne et agricultrice Céline Imart a eu également des mots très durs : « Avec la censure d’une molécule autorisée chez nos 26 voisins européens, le Conseil constitutionnel ne juge pas. Il milite. » « En cédant au tribunal pétitionnaire orchestré par la gauche et les écolos, il laisse crever ceux qui nous nourrissent et favorise les importations. Lamentable », a-t-elle réagi sur X.
La FNSEA et JA demandent que les articles censures, notamment ceux qui concernent l’usage de certains produits phytosanitaires soient « retravaillés et repris dans un prochain texte agricole pour que les engagements politiques de l’hiver 2024 soient enfin tenus ». Pour sa part, le président de la République, Emmanuel Macron a fait savoir « qu’il promulguera la loi Duplomb telle qu’elle résulte de la décision du Conseil constitutionnel ». Il a jusqu’au 22 août pour le faire.
Christophe Soulard
La Charte de l’environnement Adoptée sous la présidence de Jacques Chirac, la Charte de l’environnement reconnaît et consacre des droits et des devoirs liés à la protection de l’environnement. Entrée en vigueur en 2005, elle est intégrée au bloc de constitutionnalité, c’est-à-dire qu’elle a la même valeur juridique que la Constitution de 1958. Se pose alors le problème de l’articulation entre cette Charte et l’intérêt général majeur de l’agriculture, lui aussi validé par le Conseil constitutionnel et inscrit dans la dernière loi d’orientation agricole… Les neuf « Sages » auraient-ils été influencés par la pétition mise en ligne sur le site de l’Assemblée nationale ?