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Syndicalisme
« L'agriculture a la réponse à tous les défis »

Quelle sera, dans le futur, la place de l'agriculture dans le monde ? Lors de l'assemblée générale de la FDSEA, la géographe Sylvie Brunel a apporté des éléments de réponse.

Ancienne présidente d'Action contre la Faim, Sylvie Brunel a conquis son auditoire : « Le défi alimentaire est colossal ! »
Ancienne présidente d'Action contre la Faim, Sylvie Brunel a conquis son auditoire : « Le défi alimentaire est colossal ! »
© Loiret agricole et rural

« On est prompt à dénoncer les scandales dans l'agroalimentaire. Or la production française est de qualité. Vous êtes confrontés à une énorme attente vis-à-vis de la société. » C'est par ces mots que Sylvie Brunel a débuté son intervention, ce vendredi 16 mai à la salle des fêtes de Bellegarde. À l'occasion de l'assemblée générale de la FDSEA du Loiret, la géographe, professeur à la Sorbonne, intervenait sur le thème l'Agriculture et l'avenir du monde.

Au niveau mondial, 850 millions de personnes souffrent de la faim. Or il s'agirait plus d'un problème d'accès à la nourriture que d'insuffisance de la production. « Il est important d'investir pour que ces gens deviennent des partenaires et de futurs consommateurs. Le Maghreb, l'Afrique et le Proche-Orient sont structurellement déficitaires en termes de production agricole : ces régions situées à nos portes ont besoin de nous. » Chaque année, la population mondiale augmente de soixante-dix millions d'unités. Or ces personnes rejoignent les villes. D'où de gros besoins. « Le défi alimentaire est colossal ! »

L'universitaire a évoqué la question des prix des produits agricoles : « Toute variation de production entraîne une fluctuation disproportionnée des prix. Quand les agriculteurs sont livrés à eux-mêmes, ils vivent des aléas importants. (...) Si la demande alimentaire des villes n'est pas assurée, cela entraîne une insécurité politique et économique dont les narcotrafiquants tirent profit : en Afrique, la production de cultures hallucinogènes se développe. Quand l'agriculteur ne trouve pas de solution face à son problème de revenu, il s'en va vers la ville et la production agricole s'en ressent d'autant. »

Des peurs sociales

Quid de la planète ? « Le développement durable est devenu une nouvelle religion. Face aux considérations économiques et humaines, l'aspect environnemental s'est hypertrophié. Au nom du principe de précaution, on agite des peurs sociales auxquelles il est difficile de répondre. En France, le changement climatique se fait déjà sentir. » D'ici 2020, 17 % des surfaces de la Terre sont destinées à devenir des espaces verts, contre 13 % actuellement. « D'où un dilemme, dans les pays du Sud, entre la production et la conservation. Dans les pays du Nord, la cohabitation s'avère difficile entre les agriculteurs et les néoruraux. Or la ruralité est aussi un lieu de production. » Ces querelles de voisinage conduisent à « un empilement de contraintes » dont l'oratrice a analysé la portée : « Difficile de savoir si on est en phase avec la réglementation quand on est un agriculteur isolé : les solutions d'hier sont devenues les problèmes d'aujourd'hui. »

On pense inévitablement à la chimie, « accusée » de tous les maux. « Mais, dans les pays du Sud, il y a une demande. » Quant à l'hémisphère Nord, l'agriculture de précision permet de rationnaliser et d'optimiser les applications. Dans tous les cas, il semble inconcevable de se priver de la chimie : « La nature est très ingénieuse pour voler leur nourriture aux hommes ! (...) L'agriculture est devenue le bouc émissaire des peurs sociétales : que mangeons-nous ? Or la France est l'un des pays au monde ayant la plus grande espérance de vie. Les citadins ont une vision idéaliste du bio : si notre pays était 100 % en bio, la France ne serait pas la quatrième agriculture du monde ! En outre, les conditions de travail sont difficiles et les prix plus élevés. »

Une plante aux mille usages

« Nous ne sommes pas aidés par certaines personnes sympathiques qui racontent des âneries ! Un agriculteur ne peut pas vivre sur un hectare. On ne nourrit pas le monde avec du tourisme agricole ! L'acte de production est devenu suspect et cela est vrai aussi bien pour l'agriculture que pour l'industrie. » La géographe a martelé ce message : « Nous avons besoin d'une agriculture saine et abondante. » L'irrigation est la question qui fâche... « Face aux aléas climatiques, on ne peut pas se passer de l'irrigation ! » Alors que le maïs est perçu comme une plante consommatrice d'eau, la conférencière a livré son point de vue : « Le maïs est la céréale antifamine des pauvres. Une plante aux mille usages. De quoi répondre à de nombreuses attentes sociétales ! »

« Face à la croissance démographique et au changement climatique, il faut poursuivre l'amélioration variétale : l'agriculture doit innover sans cesse. La France doit soutenir son agriculture car elle a la réponse à tous les défis : alimentation, production d'énergie, biodiversité, etc. Un champ cultivé capte autant de CO2 qu'une forêt, surtout si elle est mal exploitée ! » Pour que l'agriculture puisse honorer la mission qui est la sienne, l'intervenante a cité un certain nombre de conditions : la paix, des prix rémunérateurs mais qui restent accessibles pour le consommateur. Ce qui suppose un interventionnisme de la part de l'État. L'oratrice a également évoqué le stockage des pluies tombées en hiver : « Tout captage d'eau est vu comme une insulte à la planète. Or tout pays qui n'a pas de politique d'irrigation est soumis aux aléas climatiques. »

« Il n'y a pas d'agriculture durable sans compétitivité. La sécurité alimentaire reste un impératif : la dépendance alimentaire de l'Union européenne a augmenté. Le monde agricole doit relever la tête et s'affirmer comme pionnier du développement durable. C'est la force du syndicalisme de ne pas vous laisser seuls face à tous ces enjeux. (...) Oui à une agriculture de précision, à condition d'être soutenue par les pouvoirs publics. Pour répondre aux défis alimentaires de demain, nous avons besoin de toutes les agricultures. Il faut reconnaître une exception agricole comme il existe une exception culturelle. Il n'y a pas de solution miracle mais la nécessité d'une mise en valeur fine des territoires. »

« Le seul endroit où on peut épandre du fumier librement, c'est devant la Préfecture ! »

Entre la matinée, réservée aux adhérents, et l'après-midi, ouvert à tous, Jean Daudin, le président de la FDSEA du Loiret, a accepté de nous répondre.

Loiret agricole et rural : Vous vivez aujourd'hui votre première assemblée générale en tant que président de la FDSEA du Loiret : quel est votre état d'esprit ?

Jean Daudin : Je suis animé de la volonté que nous travaillions tous ensemble. Plus ça va, plus le dogme environnemental et la pression de l'administration s'accentuent. Nous nous sentons de moins en moins écoutés. Face à cela, nous devons nous unir avec l'ensemble des organisations professionnelles agricoles et les Jeunes Agriculteurs afin de communiquer sur ce que nous sommes capables de faire. L'enjeu : prendre en compte les réalités de notre métier.

LAR : Quelles sont les grandes idées qui sont ressorties du rapport d'activité ?

J.D. : Un message simple : stop à la surcharge administrative ! Un carcan qui empêche les gens de travailler correctement. Que ce soit en grandes cultures ou en élevage, quand on parle d'eau ou d'autres sujets, nous avons les mêmes lourdeurs : des directives européennes et des normes administratives françaises qui nous empêchent de discuter d'économie, d'agronomie et de prévisions de l'agriculture.

LAR : Sur ces différentes thématiques, quelles sont les propositions du syndicalisme ?

J.D. : Celui-ci a beaucoup travaillé pour apporter un certain nombre de solutions. Entre autres sur la réforme de la Pac. On le fait aussi sur les Bassins d'alimentation de captages (Bac). Même chose concernant l'entretien des fossés et des cours d'eau. Malheureusement, nous avons de plus en plus de mal à être écoutés et entendus. Je suggère que certains qui défendent des idées passéistes et qui prônent la décroissance viennent effectuer quelques stages sur nos exploitations ! Le seul endroit où on peut épandre du fumier librement, c'est devant la Préfecture !

Une catastrophe évitée !

S'agissant de la Pac, le travail a été fait en lien avec la FNSEA et l'ensemble des associations spécialisées. Cela a débouché sur des propositions qui ont évité une catastrophe ! Sur les Bac, nous avons réfléchi avec InVivo, Agralys et l'Association générale des Producteurs de Blé pour proposer ce qu'on appelle la mesure Azur. Il y a quelques jours, nous avons organisé une réunion d'information à Montargis. Nous sommes capables d'être force de proposition. Mais encore faut-il être entendu et non pas entrer dans un système qui coûte cher à la société et qui ne sert à rien !

LAR : D'un mot, en quoi consiste la mesure Azur ?

J.D. : Il s'agit de mieux raisonner la fertilisation azotée en fractionnant les apports. Un travail que beaucoup de gens font déjà indirectement.

LAR : Comment le thème de l'intervention de Sylvie Brunel vous interpelle-t-il ?

J.D. : L'agriculture est forcément l'avenir du monde. Quand notre assiette est pleine, on oublie trop souvent que demain cela peut changer. Le consommateur peut posséder tous les appareils et systèmes technologiques qu'il veut, s'il n'a rien dans son assiette, il mourra ! C'est là où nous sommes l'avenir du monde : nous sommes indispensables. Et pour nourrir neuf milliards d'êtres humains à l'échéance de quelques décennies, il faut nous laisser produire plus et produire mieux.

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