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Le préfet prend la clé des champs

À l’invitation de la Chambre et de la FDSEA, Nacer Meddah s’est rendu mardi dernier à Rebréchien : visite d’une exploitation et rencontre avec les élus consulaires.

Alexandre Nioche, à gauche, montre son pulvérisateur au préfet.
Alexandre Nioche, à gauche, montre son pulvérisateur au préfet.
© Olivier Joly

Le mardi 22 mars, la chambre d’agriculture et la FDSEA avaient invité le préfet, Nacer Meddah, à Rebréchien, pour une visite de terrain. La première partie de la matinée, à la connotation syndicale, se tint chez un agriculteur de la commune. La deuxième partie de la rencontre, plus consulaire, eut lieu à la mairie.

À l’issue des débats, voici le message que Michel Masson, président de la chambre d’agriculture, adressa au représentant de l’État : «Les temps sont plus que difficiles : la conjoncture économique. Mais le lynchage médiatique et politique fait encore plus de mal aux agriculteurs. Cette année, nous demandons des contrôles pédagogiques. Cela permettrait de relâcher la pression et redonnerait de la sérénité aux agriculteurs. Jeter de l’huile sur le feu n’a jamais rendu service à qui que ce soit. » Réponse du préfet : « Nous avons la volonté de travailler en bonne intelligence : l’administration sert l’intérêt général. L’agriculture contribue à l’aménagement du territoire. Nous avons beaucoup de sujets en commun et je suis un préfet pragmatique : je veillerai à ce qu’il y ait une coordination des contrôles. »

L’expertise de l’agriculteur

Auparavant, les discussions se concentrèrent sur trois sujets :
la problématique protéique pour le blé, les Bassins d’alimentation de captages (Bac) et l’Organisme unique (OU). En maître de cérémonie, Jean-Jacques Hautefeuille, spécialiste environnement à la Chambre et à la FDSEA a amorçé les échanges. Depuis plusieurs années, les rendements en blé stagnent. Quant au taux de protéines, il diminue au fil des ans pour atteindre à peine 11 % aujourd’hui. Conséquence : des pertes de 10 à 30 €/t pour les agriculteurs. En cause : la directive nitrates. «Peut-être que des solutions variétales sont à trouver » s’exprima Michel Masson, avant d’ajouter : «Dans le Loiret, on est plutôt sur du blé à destination de l’alimentation humaine : nos problématiques sont différentes des autres départements de la Région.» Réaction de Nacer Meddah : «Il n’y a de contestation ni sur le constat ni sur les conséquences. En revanche, sur les causes, il faut confronter nos analyses et essayer de trouver des solutions. » Commentaire de Philippe Galloo : « Il y a une expertise qu’on néglige beaucoup, c’est celle de l’agriculteur ! »

Vers quelque chose de positif

Dans le département, vingt captages d’eau potable seront concernés par une procédure Bac : entre 30.000 et 50.000 ha impactés, soit 10 % de la SAU. Jean-Jacques Hautefeuille mit en lumière les enjeux : «Si on veut une démarche acceptée, il faut qu’elle soit cohérente et bien expliquée.» L’orateur pointa les bureaux d’études : «Ce sont des gens qui ont du mal à aller sur le terrain et le choix de ces derniers doit être amélioré.» Associée à l’agronomie, l’agriculture de précision est un moyen de combiner compétitivité et environnement. «Il faut être prospectif et aider les agriculteurs à s’équiper » déclara Michel Masson. L’enjeu : «Emmener les agriculteurs vers quelque chose de positif. Sinon, nous serons dans une impasse et tout le monde perdra.» Directrice départementale des Territoires, Simone Saillant précisa : «On aurait besoin de construire ensemble un catalogue de mesures acceptables pour les différents Bac.»

Les études liées à la mise en œuvre de l’OU atteignent 520.000 € alors que l’estimation initiale était de 200.000 €. «Or balancer l’argent par la fenêtre n’est pas mon style ! » s’exprima le président de la Chambre. «L’OU sera-t-il mis en place avant la fin de la mandature ? Il faudra aussi une harmonisation dans l’attribution de l’eau.» L’enjeu : éviter les effets de seuils ou d’aubaine lors de la transition. Mais d’ici là, beaucoup d’eau aura coulé sous les ponts !

Alexandre Nioche, agriculteur péri-urbain a présenté sa ferme

Alexandre Nioche s’est installé à Rebréchien sur 92 ha le 1er janvier 2013. Il exploite également 130 ha dans l’Essonne et emploie son frère Éric comme salarié. Entre 1960 et nos jours, la commune a perdu 75 ha de surfaces agricoles. Dans ce contexte péri-urbain, «nous avons une relation marquée avec les voisins » explique l’agriculteur. Ses 3,4 km de clôtures, soit 37 m par hectare, illustrent ses propos.

Sur cette terre essentiellement argileuse, le professionnel ne laboure pas mais décompacte en profondeur. Avantage : des économies de carburant. Inconvénient : des difficultés pour le désherbage. Assolement : colza, blé tendre, orge de printemps là où il y a le moins d’argile dans le sol et maïs non-irrigué. En 2015, s’y est ajouté du lin oléagineux. « À cause des pigeons, le tournesol est impossible à faire. Une culture pourtant peu consommatrice en intrants. »

«Traiter suppose de trouver les bons créneaux avec les voisins.» Or le professionnel n’est pas un adapte du travail de nuit. Commentaire de Cédric Benoist, président de la FDSEA : «Si on travaille la nuit, certains pensent que c’est dangereux : il faut dédiaboliser les phytosanitaires.»

Michel Masson, président de la chambre d’agriculture, s’inscrit dans la même lignée :
«Les gens nous voient de plus en plus dans les champs. Or on fractionne la fertilisation azotée : plus on est vertueux, plus les gens raisonnent à l’envers ! Il faut prendre beaucoup de temps pour discuter avec les gens. »

Le seul désherbant efficace à 100 %

«Le glyphosate n’est pas un outil du passé. Bien utilisé, c’est un bon outil.» Cette analyse de Cédric Benoist est reprise à son compte par l’agriculteur de Rebréchien : « Le glyphosate est le seul désherbant efficace à 100 %. Or la destruction mécanique des adventices est difficile. Aujourd’hui, il n’existe plus qu’un petit nombre de matières actives, d’où une tendance à les utiliser intensément : on ne fait pas de la vraie écologie.»

Michel Masson ne tient pas un autre discours : «Le nombre de matières actives diminue : on est dans un carcan qui favorise les résistances car les plantes s’adaptent.» L’utopie d’Alexandre Nioche : «Disposer d’une nouvelle matière active par culture. Pour venir à bout de l’ensemble des bioagresseurs (adventices, insectes, champignons, etc.) présents dans les cultures, c’est la combinaison des moyens agronomiques, mécaniques et chimiques qui permettra une lutte efficace.»

Commentaire de Simone Saillant, directrice départementale des Territoires : «Les mesures de protection visent les personnes vulnérables : enfants, personnes âgées ou malades, etc. » D’où des heures de traitement, des haies, des buses anti-dérives ou encore des distances de traitement : « Toute une boîte à outils.» En conclusion, voici le point de vue du préfet Nacer Meddah : «Il faut mettre de l’intelligence. Aujourd’hui, tout est judiciarisé !»

Zoom sur les zones céréalières à moindre potentiel

Avant que le préfet ne prenne la direction de la mairie, la FDSEA, par l’intermédiaire de son président Cédric Benoist, lui présenta, par vidéo-projection, un document relatif aux zones céréalières à moindre potentiel. Entre conjoncture et PAC 2014-2020, il manque 100 €/ha aux agriculteurs de ces zones. D’où «l’urgence de faire reconnaître la situation difficile de ces céréaliers». Les solutions ? Certaines sont de court terme (mesures Valls, etc.). D’autres sont plus structurelles: baisse des cotisations MSA, mesures en faveur de l’épargne de précaution, choix français au niveau de la PAC, réflexion «approfondie» sur les leviers technico-économiques, activation de toutes les solutions en termes de politique agricole, etc. À défaut, envisager un plan de restructuration. « La réflexion qui s’engage sur la PAC post-2020 devra tenir compte de ces zones qui ne peuvent se passer de soutiens et de solutions de gestion des risques » indiquait le document en conclusion.

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