Les céréales : la mondialisation à visage humain
Lors de l’assemblée générale de l’Afdi* Ile-de-France, le mardi 14 juin à Château-Landon (Seine-et-Marne), l’auditoire a été captivé par l’exposé de Sébastien Abis sur le rôle géopolitique du blé dans le monde.

Auteur d’un ouvrage sur la géopolitique du blé, Sébastien Abis a beaucoup travaillé sur le rôle fondamental du blé, notamment vers les pays du sud, et l’importance des productions céréalières françaises. Il a présenté son regard sur le monde et plus particulièrement l’Afrique avant de s’interroger, via un prisme non agricole, sur l’atout majeur que représente le blé pour la France. C’était le 14 juin à Château-Landon dans le cadre de l’assemblée générale de l’Afdi* Ile-de-France.
Aujourd’hui, le cœur de l’économie du monde se situe dans le Pacifique.
« La France — voire l’Europe — n’est plus considérée comme motrice du monde, mais les questions agricoles et agroalimentaires, dans un paysage politique transformé, ne bougent pas. On oublie trop souvent que les matières premières ont fait l’histoire du monde et sont source de conflits », a souligné Sébastien Abis, administrateur du Centre international des hautes études agronomiques et méditérannéennes et chercheur à l’Institut des relations internationales et stratégiques, avant de rappeler que le blé est au centre des évolutions du monde depuis dix mille ans contre un siècle pour les énergies fossiles.
D’ailleurs, le meilleur moteur de la francophonie n’est-il pas l’agriculture — et son corollaire, l’alimentation ? L’agriculture est également le seul secteur climato-dépendant.
D’autre part, la forte augmentation de la population mondiale est associée à un déplacement des masses démographiques. Or le développement agricole ne se fait pas sans un développement dynamique des milieux ruraux et urbains. Pour preuve, la carte de la faim se superpose à celles de la pauvreté et des conflits en Afrique et en Asie.
Et le changement climatique va accentuer la fragilité alimentaire. « L’Afrique est le miroir des tensions du monde avec 50 % des naissances. C’est un continent convoité où tout va se jouer. Avec le Moyen-Orient, il représente un grand bassin déficitaire en blé à horizon 2050 », souligne Sébastien Abis.
Au Sénégal, où l’Afdi Ile-de-France mène des actions et Terres bocage gâtinais entretient des relations commerciales, 50 % des emplois sont liés à l’agriculture ou à la pêche, 100 % du blé sont importés. Ces pays doivent faire face au manque de surfaces, aux pluies irrégulières, à des difficultés de logistique et à des infrastructures inadaptées…
Toutefois, certains États sont autonmes en blé comme la Zambie, à l’inverse de l’Égypte où se pose le problème du partage des eaux du Nil. L’Égypte est le premier acheteur mondial.
La Russie a compris que son agriculture servait à son retour sur la scène internationale. Aujourd’hui, elle pratique, avec l’Égypte, des échanges dans leur monnaie et non plus en dollar.
À l’avenir, il est nécessaire de regarder les demandes (cahier des charges de ces pays), des transformateurs et des opérateurs. « La question des contrats pluriannuels est sur la table », insiste Sébastien Abis : « Pour la France, il s’agit d’une rendez-vous géopolitique. »
La France représente 0,4 % des terres de la planète mais elle est le cinquième producteur mondial de blé grâce à la régularité de sa production. « Nombre de pays ne comprennent pas la politique européenne et française qui parlent de maîtrise de la production. Laissons un débat ouvert et arrêtons d’avoir une pensée unique pour l’agriculture. La diffusion de questions écologiques est nécessaire mais ne doit pas tout détenir. »
Et de conclure : « Vous êtes un acteur fort de la mondialisation. Et les céréales lui donnent un visage humain made in France. Le blé, c’est le pétrole doré de la France et un atout pour la diplomatie économique souvent oublié. Pourtant, cette céréale fait grandir la taille de la France sur un planisphère. »
*Afdi : Agriculteurs français et développement international.