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Interview
Aurore Bergé : « Les transitions qui s'opèrent dans l'agriculture sont des éléments d'accélération de la place des femmes et leur garantissent que l'avenir ne va pas s'écrire sans elles »

À l'occasion du Salon de l'agriculture, la ministre chargée de l'Égalité entre les femmes et les hommes, Aurore Bergé nous a accordé une interview sur la place des femmes dans l'agriculture.

Aurore Bergé.
Aurore Bergé, ministre de l'Égalite entre les hommes et les femmes.
© DR

Horizons : L'agriculture a longtemps eu l'image d'un secteur très masculin. Quels changements constatez-vous sur la place des femmes en agriculture ?

Aurore Bergé : L'agriculture est dominée par les hommes dans les représentations qu'on peut en avoir et quand on regarde le ratio des chefs d'exploitation, sauf que les femmes ont toujours été agricultrices, elles ont toujours travaillé que ce soit en grandes cultures, en élevage… Mais elles n'avaient pas toujours le statut qui permettait la reconnaissance, ni d'ailleurs la rémunération associée, et donc en cascade, la retraite.

Notre combat ces dernières années, c'est comment on garantit une place aux femmes qui soit structurée, et qui offre un statut pleinement légitime, qui les protège et ne les place pas en situation de dépendance vis-à-vis de leur conjoint.

Quels freins rencontrent les femmes pour accéder aux métiers de l'agriculture ?

D'abord, il y a nécessité de changer les représentations pour montrer, dès le plus jeune âge, que ces métiers ne sont pas des métiers qui seraient réservés aux hommes. Ensuite, l'agriculture doit s'adapter aux nouveaux besoins en termes de féminisation, sur les questions du machinisme agricole, du port de charges ou autres, dans un métier qui n'a pas été pensé et structuré pour et par les femmes.

L'agriculture doit relever le défi du renouvellement des générations. On n'y arrivera pas s'il n'y a pas un renouvellement des pratiques et des droits sociaux. Si on dit que c'est un métier difficile, pénible, peu rémunérateur, qu'on ne peut jamais partir en vacances ou prendre un congé maternité, c'est difficilement séduisant. En revanche, si on dit qu'il faut se battre pour ce métier essentiel, qui garantit la souveraineté alimentaire de notre pays, qu'il doit être reconnu comme tel, avec des nouveaux droits sociaux associés, c'est plus attractif.

Quelle est la capacité du gouvernement à agir sur toutes ces questions ?

Il faut d'abord faire connaître les droits qui existent. Je suis frappée de constater à quel point les droits sont souvent ignorés de leurs potentiels bénéficiaires. Et je pense notamment au service de remplacement qu'il faut renforcer partout en France pour apporter un accompagnement aux agricultrices et aux agriculteurs dans chaque étape de leur carrière. Sur la question des retraites, les agricultrices n'avaient pas forcément de droits acquis. Aujourd'hui, avec le nouveau statut de conjoint collaborateur, nous aboutissons à des situations plus dignes. Et puis enfin, nous avons un important travail de communication à faire dès le plus jeune âge sur l'image de l'agriculture, les projections et les préjugés qui persistent.

Il y a donc un enjeu au niveau de l'enseignement agricole ?

Oui, exactement. On constate par exemple une sur-représentation dans le milieu équin. Moi, je veux de la mixité partout. Les filles ont aussi toute leur place dans les filières végétales et animales. On doit faire découvrir ces métiers-là. L'enjeu est de montrer à l'ensemble de la population comment les métiers de l'agriculture ont évolué et qu'ils ne sont pas aussi figés que l'image d'Épinal que certains peuvent avoir. Ça ouvrira des possibilités et de nouveaux horizons pour de nombreuses jeunes filles. Au sein des lycées agricoles, 44 % sont des filles mais il ne faut pas qu'on les perde parce qu'elles auraient l'impression que les métiers de l'agriculture n'auraient pas été pensés pour elles.

Avez-vous des éléments quant à l'inégalité hommes/femmes dans l'accès aux prêts bancaires ou au foncier ?

L'accès aux prêts bancaires pour les femmes chefs d'entreprise est un vrai sujet, c'est un parcours du combattant. On leur pose des questions qui ne seraient jamais posées à un homme telles que Êtes-vous soutenue par votre mari ? Votre famille est-elle d'accord avec votre projet ? Sur ces sujets, je travaille avec la Fédération française bancaire et la Banque publique d'investissement pour faire changer les choses car il en découle un accès au foncier différencié entre hommes et femmes. La taille moyenne des exploitations pour les hommes est de 52 hectares, contre 38 hectares chez les femmes.

La parité dans les instances agricoles est-elle essentielle à vos yeux ?

Sur ce point aussi je crois à la mixité mais c'est un sujet sur lequel il est difficile d'agir. J'entends souvent dire « Entre l'exploitation et la charge de famille, avoir en plus un engagement syndical ou une fonction élective, je ne peux pas ». Mais le travail de répartition de la charge de famille, de la charge de la parentalité, doit se faire bien en amont, il faut arriver à changer la culture à l'intérieur des schémas familiaux. Ça, ce n'est pas la loi qui peut l'imposer mais il n'y a pas d'autre choix que d'opérer cette transition, on a besoin des femmes en agriculture.

Le secteur agricole est en pleine transition écologique et numérique. Comment les femmes peuvent-elles se positionner dans ces transformations ? Quels sont, selon vous, les leviers qui pourraient garantir leur pleine participation dans l’agriculture de demain ?

Ces transitions vont faciliter la place qui peut être la leur. Les métiers liés notamment à l'écologie sont déjà des métiers où les femmes sont très présentes. Cela peut offrir des passerelles supplémentaires. Je suis convaincue que ces transitions qui s'opèrent sont des éléments d'accélération de la place des femmes en agriculture et garantissent aussi que l'avenir de l'agriculture ne va pas s'écrire sans elles.

Voir aussi nos autres articles Les femmes en agriculture

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