Aller au contenu principal

« Pisseurs de glyphosate » : les agriculteurs contre-attaquent

Des agriculteurs de la région Centre-Val de Loire ont procédé à des tests d’urine pour y identifier et quantifier le glyphosate. Le verdict est rassurant.

Jeudi 12 mars, à la Maison de l’agriculture, les agriculteurs de la FNSEA Centre Val-de Loire (CVL) ont livré les résultats des tests au glyphosate réalisés dans les urines d’une soixantaine de volontaires dans le but de contrer la campagne des « pisseurs de glyphosate involontaires ».

Ce mouvement anti-pesticides a déposé depuis 2018 plus de 5  000 plaintes pour « tromperie aggravée », « mise en danger de la vie d’autrui » ou encore « atteinte à l’environnement » après avoir fait réaliser des tests de leurs urines, qui y ont révélé la présence de glyphosate dans des proportions présentées comme alarmantes.

Comme dans d’autres régions, les agriculteurs de la FNSEA CVL ont eux aussi voulu se soumettre aux « glyphotests ».

Bertrand Petit, le président de la FNSEA 28, explique  : « Il était intéressant de faire des tests avec d’autres techniques que celles des ’’pisseurs’’, et de tester des gens a priori directement exposés au glyphosate, pour voir si on est plus touchés par ce qu’on produit que nos concitoyens citadins. Nous avons fait appel à un huissier, pour être irréprochables ».

Soixante-quatre agriculteurs de la région ont participé à l’opération, dont douze Euréliens.

Ils ont fait appel aux deux méthodes qui permettent de doser le glyphosate dans les urines, et ont organisé un test croisé entre trois laboratoires.

L’allemand BioCheck (qui avait analysé les échantillons des « pisseurs ») et un laboratoire de Metz ont utilisé la méthode Elisa*. Un autre laboratoire français a réalisé une analyse par chromatographie liquide couplée à la spectrométrie de masse en tandem.

Les résultats obtenus sont rassurants  : les deux méthodes ont permis de retrouver du glyphosate, mais pas de façon systématique et en petites quantités. La concentration maximale, relevée dans un échantillon avec le test Elisa, est d’environ 2,6 ng/ml, une valeur très inférieure à la valeur toxicologique de référence du glyphosate dans l’eau de boisson (900 ng/ml).

Autre résultat  : les agriculteurs qui utilisent le plus de glyphosate ne semblent pas en avoir plus que les autres dans leurs urines.

Les deux méthodes présentent par ailleurs des résultats très différents sur les mêmes échantillons  : Elisa a détecté des concentrations toujours plus élevées que par chromatographie, avec un facteur de variation qui change d’un individu à l’autre.

Chez les cobayes euréliens, la chromatographie n’a pas décelé de concentration de glyphosate supérieure à 0,8 ng/ml, tandis qu’Elisa a mis en évidence une concentration supérieure à 1,1  ng/ml pour plus de la moitié des échantillons  !

Pour les agriculteurs, cela pose la question de la pertinence de la méthode choisie par les « pisseurs involontaires »  : « Elisa n’est pas un test de référence, il est médiatique, en plus d’être simple à réaliser et peu coûteux. Avec ce test, il était presque sûr de trouver du glyphosate. Il y a de la manipulation  ! », avancent-ils.

Le monde scientifique penche dans leur sens  : la méthode Elisa a été conçue pour des tests rapides dans l’eau, une matrice beaucoup moins complexe que l’urine, et elle risque fortement d’être soumise à des interactions.

L’association chromatographie/spectrométrie est jugée plus fiable  : dans un mélange comme l’urine, elle permet de séparer, identifier et quantifier les différents composés.

Finalement, « le glyphosate est-il toxique pour la santé  ? », interroge Joël Guillemain, l’un des experts toxicologues auquel la FNSEA CVL a fait appel pour interpréter les résultats des glyphotests.

Il juge que le glyphosate « ne représente pas un risque pour la santé humaine dans le cadre d’une utilisation normale du produit », se rangeant du côté de la majorité des agences sanitaires.

Ainsi, l’Autorité européenne de sécurité des aliments (Efsa) n’en reconnaît ni la dangerosité ni le caractère cancérogène ou génotoxique. Quant à l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses), elle juge que le consommateur français ingère chaque jour moins de 1  % de la dose journalière admissible de glyphosate.

Si le Centre international de recherche sur le cancer (Circ) classe le glyphosate « cancérogène probable », Joël Guillemain a une explication  : « Le Circ évalue le danger, qui prend en compte toutes les éventualités possibles, par exemple boire un demi-litre de glyphosate  ! », au lieu d’évaluer le risque, qui prend en compte la notion d’exposition au produit.

Bertrand Petit appuie  : « Nous, on pulvérise le glyphosate, on ne l’applique pas sur les plantes. Les jets sont dirigés vers le sol. Avec cette méthode, le risque est infime  ! »

Les agriculteurs attendent maintenant des réponses  : « Nous voudrions que l’État et les scientifiques nous disent à quel test nous fier ». Ils prévoient de riposter aux plaintes des « pisseurs involontaires » via « une information au procureur, peut-être des dépôts de plaintes ».

Ils insistent  : « Le monde agricole n’est pas contre la santé publique  ! Mais quand il y a manipulation de l’information, on doit se rebiffer ».

Et ils s’adressent aux consommateurs  : « Le risque, c’est quand des produits sont importés de pays où le glyphosate est utilisé sur des plantes en végétation. Les citadins doivent consommer français  ! ».

Laure Sauvage

*Enzyme-Linked Immuno Assay, dosage d’immunoabsorption par enzyme liée

Sous-titre
Vous êtes abonné(e)
Titre
IDENTIFIEZ-VOUS
Body
Connectez-vous à votre compte pour profiter de votre abonnement
Sous-titre
Vous n'êtes pas abonné(e)
Titre
Créez un compte
Body
Choisissez votre formule et créez votre compte pour accéder à tout Horizons

Les plus lus

Mardi 8 juillet, à Luplanté. Thibaud Guillou (à d.) montre au préfet Hervé Jonathan (au c.) le principe de fonctionnement du bassin tampon de son système d'irrigation qui lui permet de se diversifier.
Thibaud Guillou reçoit le préfet d'Eure-et-Loir pendant la moisson
En plein cœur de la moisson, le préfet d'Eure-et-Loir Hervé Jonathan s'est rendu mardi 8 juillet sur l'exploitation en…
Le député eurélien Olivier Marleix.
Le député Olivier Marleix est mort
Le monde politique est en deuil après l’annonce du décès d’Olivier Marleix, député Les Républicains d’Eure-et-Loir, survenu lundi…
En Île-de-France, la majeure partie des cultures ont vu le passage des moissonneuses-batteuses. L'occasion de faire un premier point des moissons.
En Île-de-France, une moisson 2025 précoce plutôt satisfaisante malgré quelques nuances
Le travail de moissonnage est bien avancé dans l'Île-de-France. Les rendements sont plutôt bons dans l'ensemble, surtout en…
Le canton JA s'est attelé à la préparation de son animation la semaine dernière.
JA 45 prépare le comice de Briare
C’est au lieu-dit Rivotte, à Briare (Loiret), que la communauté de communes Berry Loire Puisaye organisera son comice samedi 2…
Larchant, mercredi 1er juillet. L'unité de méthanisation Biogaz du plateau injecte dans le réseau depuis quelques minutes.
Le méthaniseur Biogaz du plateau injecte dans le réseau
Le méthaniseur Biogaz du plateau à Larchant a été mis en service le mercredi 1er juillet.
Les rendements 2025 s’annoncent en hausse pour l’orge, le colza et le blé tendre, mais les faibles cours du marché compromettent la rentabilité des exploitations.
Moisson : précocité record et rendements contrastés en Loiret
Dans le Loiret, la moisson 2025 s’est déroulée à un rythme inédit, avec des résultats globalement bons. Mais les prix décevants…
Publicité