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Point sortie hiver : un tour de plaine les pieds dans l'eau

La campagne 2024-2025 démarre sous les mêmes auspices que la précédente et ce ne sont pas les meilleurs. Le point avec l'agronome de la Chambre Patricia Huet et l'élu référent pour le conseil agricole, Éric Maisons.

« Le moral est dans les chaussettes », résument en chœur l'agronome de la chambre d'Agriculture Patricia Huet et l'élu référent pour le conseil agricole, Éric Maisons, que nous rencontrons le 12 février pour faire un point sur l'état des cultures en sortie d'hiver.

Des pluies qui plombent

Et ce qui plombe le moral, ce sont ces précipitations quasi incessantes, tout le monde se souvenant qu'elles ont débuté à l'automne 2023 : « Sur tout l'ouest du département, Perche et Thymerais, nous en sommes à 1 300 mm entre octobre 2023 et octobre 2024, contre 700 mm en année normale. Dépasser les 1 000 mm en un an, c'est rarement arrivé dans ma carrière. Et depuis le début de cette campagne, nous avons déjà 500 mm », se désespère Éric Maisons. « Deux années successives et excessives comme ça, c'est du jamais vu », renchérit Patricia Huet.

Si la plupart des emblavements ont pu être réalisés cet hiver, le plus souvent dans des conditions limites, idem pour le colza après moisson, les cultures levées ne sont pas à la fête. « Les stades de développement sont très faibles, constate l'agronome, et la pression limace est importante ». « D'autant qu'il y a une rupture d'anti-­limaces, ajoute Éric Maisons. On ne trouve plus de métaldéhyde et l'on est obligés de se reporter sur le phosphate ferrique qui fonctionne différemment, il est plutôt orienté prévention, donc quand il y a le feu, c'est moins efficace ».

Période sèche redoutée

Concernant le colza, l'agronome estime que « tout n'est pas aussi beau que l'an dernier. La plante étant sensible aux excès d'eau, cela a empêché un enracinement correct ». Ce qui pourrait avoir des conséquences néfastes surtout en cas de période sèche. « Elle serait difficile à passer, la plante ne pouvant pas aller chercher de l'eau au fond… Il suffirait d'un mois sec pour que l'on réclame de l'eau, ce qui serait difficile à expliquer au grand public », s'inquiète l'élu.

Autre sujet d'inquiétude en zone intermédiaire : « Nous avons beaucoup de soucis de drains bouchés à cause des racines qui ne sèchent jamais, remarque Éric Maisons. Dans les secteurs Perche et Faux-Perche, tout le monde est en train de déboucher pour éviter les pertes de potentiel. Et c'est une grosse galère dans ces conditions ».

Concernant les cultures les plus impactées, éclaircies, les deux experts s'accordent : « Il y aura probablement plus de parcelles retournées que l'an dernier, alors qu'il y a des frais qui auront été engagés », relève Patricia Huet. « Cependant, il y a des cultures que l'on ne peut pas refaire après certains traitements herbicides d'automne. En limon, retourner une culture pas belle n'assure pas de réussite derrière. En Beauce, c'est différent », estime Éric Maisons.

Conserver et traiter a minima

Pour l'agronome, « les gens ont déjà engagé environ 200 euros par hectare, sur des charges opérationnelles qui tournent autour de 350 euros, hors engrais. À mon avis, il vaut mieux conserver et traiter à l'économie. Et il faudra aussi être vigilant au printemps sur les limaces ».

Quant à l'implantation de cultures de printemps : « Nous avions déjà dit ça l'an dernier. Aujourd'hui, pour l'orge de printemps, c'est encore trop humide. En 2024, nous avions retardé les dates de semis pour le tournesol ou le maïs en attendant des conditions favorables, on repoussait en permanence et les résultats n'ont pas été bons, se souvient l'élu. Beaucoup de cultures ont fini au broyeur… Après, on peut espérer un printemps correct… ».

Le salissement a été un gros souci l'an passé. Cette année personne n'a pris de risque. « Tout le monde a fait le programme maximum mais c'est encore trop tôt pour juger de l'efficacité. Cependant, en mettant ces fortes doses, cela engendre de la phytotoxicité… Mais trop sec, trop humide, c'est toujours un problème pour les désherbants. Et attention, au printemps, il peut y avoir des levées et pas de rattrapage possible », rappelle Éric Maisons.

Au sujet de la fertilisation, il n'y a pas d'urgence. « Peu de lumière veut dire pas de croissance, les besoins des plantes ne sont pas élevés, estime Patricia Huet. Nous aurons des stades plus tardifs, pas besoin d'y aller trop tôt ou trop fort. Si le temps le permet, d'ici la fin février, y aller doucement pour accompagner les cultures » (lire encadré).

Quant aux reliquats, l'analyse des prélèvements effectués dans le cadre de la campagne Nitrates moins organisée par la Chambre, est en cours, cependant « compte tenu du lessivage par les pluies, les teneurs sont sans doute assez faibles, estime l'agronome. Mais tant que l'on n’a pas mis d'azote, on peut toujours faire ses reliquats, plus c'est fait tard et plus on est proche de la réalité ».

Attention au soufre

Patricia Huet attire aussi l'attention des exploitants sur les risques de carence en soufre. Il faudrait en apporter, sur toutes les cultures, après la reprise de végétation. « Tout ça, ce sont des charges supplémentaires : gros programme désherbage, plus d'azote, plus de passages pour le biberonnage, le soufre… Alors que nous sortons d'une année avec des moyennes de rendement historiquement faibles et cette année qui se présente mal, des prix qui ne décollent pas et des charges toujours bien présentes… Il va manquer de 50 à 100 euros tonne pour boucler », se désole l'élu.

Finalement, ce constat n'a rien de réjouissant : « L'implantation joue beaucoup sur le résultat final. Nous n'aurons pas de rendement maximal. Il va manquer des pieds, les limaces, le pourrissement… Il y aura une compensation par le tallage si les conditions s'améliorent. Mais il faudra peut-être revoir le potentiel de rendement ».

Croiser les doigts

Maintenant, il ne reste qu'à croiser les doigts pour que la météo revienne à une alternance propice au développement de ce qui est en place ou de ce qui va être implanté ce printemps… Une tendance qui se dessine, il n'y a pas de pluies annoncées pour ces prochains jours.


Biostimulants

L'agronome Patricia Huet met en garde les exploitants concernant les propositions de commerciaux qui, profitant du climat anxieux, viennent proposer des produits biostimulants : « Aucun produit ne permet d'améliorer l'enracinement. Nous en avons testé beaucoup et n'avons jamais constaté de résultat positif ».


Biberonnage

Pour un blé tendre avec une dose élevée conseillée (200 unités ou plus), la Chambre préconise quatre passages : 40 unités au tallage, 70 unités en bonnes conditions avant le stade épi 1 cm, 30 unités courant montaison qui sera la variable d'ajustement en fonction du potentiel, et garder 60 unités en réserve pour le dernier apport (pilotage). En colza : 50 unités début montaison (à limiter sur les cultures peu développées), 60 unités courant montaison et 70 unités fin montaison.


Une dernière pour Éric Maisons

L'élu de la chambre d'Agriculture chargé du conseil agricole, Éric Maisons, voit son mandat s'achever : « Ce sera mon dernier point technique, explique-t-il. J'ai pris un grand plaisir, sur ces deux mandats, à travailler avec une belle équipe, très impliquée. Ce n'était pas notre métier mais nous avons essayé de faire le maximum. C'est Émilien Marcault, exploitant dans le même secteur et président du GRCeta du Thymerais, qui reprendra cette fonction, je ne suis pas inquiet ».

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