Aller au contenu principal

Pour nourrir mieux, produire plus ne suffit pas

Une forte production agricole ne suffit pas à assurer la sécurité alimentaire d’une population. C’est ce que montre la thèse d’une jeune économiste, à travers le cas de la région des Hauts bassins, au Burkina Faso.

Tout est parti d’un paradoxe : dans certaines régions d’Afrique de l’Ouest, une production agricole élevée coexiste avec des taux de malnutrition infantiles très inquiétants. 

Alissia Lourme Ruiz est doctorante au Centre international de recherche agronomique pour le développement (Cirad). Elle mène un projet de thèse pour expliquer cette contradiction. 

Elle étudie en particulier la région des Hauts bassins, au sud-ouest du Burkina Faso. Dans cette zone, la production agricole - principalement céréalière - permet de satisfaire plus du double des besoins énergétiques des habitants. Pourtant, près de 40 % des enfants de moins de cinq ans y souffrent de malnutrition chronique. 

L’économiste a étudié plusieurs volets, au cours d’entretiens et d’enquêtes de terrain qu’elle a réalisées à plusieurs moments de la saison agricole et au fil de la croissance de jeunes enfants.

Elle s’est d’abord penchée sur la production agricole : diversité des cultures, élevage, revenu issu des ventes, travail des femmes, redistribution aux femmes. 

Elle s’est aussi intéressée à l’alimentation des femmes et des enfants, « les plus vulnérables ». 

Et elle a analysé la malnutrition infantile à court et long terme. Plus précisément, le retard de croissance, « qui est moins visible, spectaculaire et médiatisé que la maigreur, mais qui est lié à un phénomène d’accumulation et donc d’une mauvaise nutrition sur une longue période. », détaille-t-elle.

Alissia Lourme Ruiz se penche enfin sur un aspect peu étudié en Afrique de l’Ouest : l’arbitrage temps/argent des mères, qui sont en charge de l’alimentation de la famille. « L’hypothèse est la suivante : lorsque les femmes travaillent, elles auraient plus d’argent pour acheter des produits alimentaires ou de soin aux enfants, mais auraient moins de temps pour s’en occuper. », explique-t-elle. Pour vérifier cette théorie, elle s’est intéressée sur le terrain « au temps des femmes, aux négociations au sein des ménages agricoles et à l’accès à certaines connaissances et pratiques ».

Ces travaux lui ont permis de montrer que l’autonomie financière des femmes : « améliore de façon très nette la qualité de leur alimentation et celle de leurs jeunes enfants. Bien plus que le niveau de la production agricole. » 

Autre constat : l’importance de la diversité de l’alimentation. « Les ménages enquêtés recherchent la satiété mais pas la diversité. Les femmes et les enfants mangent assez en quantité mais souffrent de carences en micronutriments : on appelle cela la faim cachée », note-t-elle.

De façon générale, les résultats de ses enquêtes éclairent le paradoxe de départ : la production céréalière seule ne permet pas d’assurer la sécurité alimentaire et nutritionnelle d’une population. C’est pourtant sur ce postulat que s’appuient les politiques de lutte contre la malnutrition dans cette zone de l’Afrique.

« D’autres facteurs doivent être pris en compte : niveau de revenu, ressources en plantes sauvages, composition des repas des enfants, statut des mères, diversité de leurs activités… », souligne Alissia Lourme Ruiz, qui souhaite que ses résultats puissent « aider les institutions qui travaillent sur la sécurité alimentaire à mettre en œuvre des actions plus efficientes pour lutter contre la malnutrition. »

Inspiré du travail d’Alissia Lourme Ruiz, cet article du Cirad montre en images comment l’indépendance économique des femmes influe sur la sécurité alimentaire d’une population. 

La jeune chercheuse a par ailleurs réalisé avec Eric Maugerard un film documentaire à destination du grand public. Ils y expliquent de façon simple les hypothèses et résultats du projet de thèse. 

Sous-titre
Vous êtes abonné(e)
Titre
IDENTIFIEZ-VOUS
Body
Connectez-vous à votre compte pour profiter de votre abonnement
Sous-titre
Vous n'êtes pas abonné(e)
Titre
Créez un compte
Body
Choisissez votre formule et créez votre compte pour accéder à tout Horizons

Les plus lus

De gauche à droite, Éric Thirouin, président de l'AGPB, François Jacques, secrétaire général d'Arvalis, Magali Filhue, déléguée générale de Brasseurs de France, Mélanie Franche, ingénieure chez Arvalis et animatrice de la filière Orges brassicoles, Philippe Dubief, président de la filière orges brassicoles pour Arvalis et l'AGPB, Jérôme Fabre, directeur de la région Est d'Arvalis, Benoît Piétrement, président d'Intercéréales, Jean-Philippe Jélu, président de Malteurs de France ...
La filière brassicole unie pour relever les défis
Renforcer la compétitivité de chaque maillon de la chaîne et anticiper les évolutions des marchés, telles étaient les priorités…
Olivier Hardouin (à g.) et François-Xavier Rone.
Olivier Hardouin, nouveau président de la FNSEA 41
La FNSEA 41 a tenu un conseil d’administration électif lundi 31 mars. Olivier Hardouin a été élu nouveau président du…
Lundi 31 mars, entre Itteville et Cerny (Essonne). Une dizaine d'agriculteurs se sont donné rendez-vous pour faire part de leur mécontentement.
Les agriculteurs se mobilisent à cause des routes trop étroites
Les agriculteurs de l'Essonne ont organisé une manifestation lundi 31 mars à l'aube. L'objectif était de démontrer la…
Le 6 avril, à Sours. Les chalands se sont déplacés en nombre à la brasserie de Chandres à l'occasion de son vingtième anniversaire, fêté sous un soleil radieux.
6 000 visiteurs pour les 20 ans de la Brasserie de Chandres
La Brasserie de Chandres, à Sours (Eure-et-Loir), a fêté ses 20 premiers printemps les samedi 5 et dimanche 6 avril autour…
Samedi 12 avril, à Louvres (Val-d'Oise). Plusieurs quads ont circulé sur une parcelle de betteraves semées moins de trois semaines avant.
Le Val-d'Oise œuvre face à la délinquance routière dans les parcelles agricoles
Avec le retour du beau temps, les agriculteurs doivent faire face aux nombreux passages non autorisés de véhicules, notamment des…
Flavie Delattre cultive des asperges sur son exploitation à Férolles.
Flavie Delattre cultive l’asperge et le lien humain
Issue du secteur médico-social, Flavie Delattre a repris la ferme familiale loirétaine il y a cinq ans. Elle y a implanté une…
Publicité