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Interview de Maxime Buizard Blondeau
« Régénérer, sécuriser et moderniser le statut du fermage à travers un nouveau pacte foncier »

La statut du fermage a 80 ans. Depuis toutes ces années, il favorise l’installation de nombreuses générations de jeunes agriculteurs et contribue à instaurer et à consolider un modèle agricole familial durable. Dans son rapport 2024 Construire notre souveraineté, impulser les transitions, Jeunes agriculteurs appelle à moderniser et sécuriser ce statut dans le cadre d’un nouveau pacte foncier. Selon Maxime Buizard Blondeau, vice-président du syndicat national chargé des dossiers économiques, responsable foncier et rapporteur de ce rapport d’orientation, cette évolution est essentielle pour garantir la souveraineté agricole et donner aux exploitants les moyens de produire.

Après plusieurs décennies d’application, quels enseignements tirez-vous aujourd’hui du statut du fermage ?

Maxime Buizard Blondeau : Le statut du fermage a rempli son rôle en assurant stabilité, encadrement des loyers et maintien du modèle agricole familial. Mais avec le temps, il a perdu de son attractivité et nécessite une modernisation. Jeunes agriculteurs propose donc un nouveau pacte foncier entre l’État, les propriétaires et les fermiers pour rendre le statut plus attractif, sécuriser les exploitants et améliorer la gestion des terres. Ce pacte prévoit notamment de réformer la Taxe sur le foncier non bâti (TFNB) : la diminuer et la plafonner, la transférer aux agriculteurs sous bail rural, et augmenter celle des terres non exploitées.

Le statut du fermage semble aujourd’hui manquer d’attractivité. Comment, selon vous, peut-on lui redonner de la visibilité et de la clarté ?

En dehors des dispositifs fiscaux incitatifs visant à encourager les propriétaires à mettre leurs terres en bail, il est essentiel de rénover en profondeur le statut du fermage. Chez Jeunes agriculteurs, nous constatons que la multiplicité des baux issus de ce statut, et leurs trop grandes spécificités, génèrent une réelle complexité et une insécurité juridique pour les exploitants comme pour les bailleurs. C’est pourquoi nous appelons à un véritable toilettage des baux ruraux et du statut du fermage.

Quelles seraient, concrètement, les principales réformes à mettre en place ?

Nous proposons plusieurs mesures pour simplifier et sécuriser le statut du fermage, comme mieux formaliser le bail et la procédure de passage d’un preneur à l’autre, gommer des éléments qui n’ont plus lieu d’être ou proposer un cadre fiscal plus incitatif et cohérent. Toutes nos propositions dans le détail sont disponibles sur le site de Jeunes agriculteurs.

Le prix du fermage reste stable pour 2025, alors que les dernières années avaient connu des hausses notables. Que proposez-vous pour rendre l’indice du fermage plus représentatif de la réalité actuelle des exploitations ?

À travers ce pacte foncier, nous souhaitons rénover l’indice du fermage face au changement climatique. Considérant que le changement climatique va altérer plus fortement la capacité productive de certaines régions que d’autres, Jeunes agriculteurs souhaite que l’indice du fermage soit défini territorialement. L’objectif est de corréler l’évolution du montant du fermage à l’évolution du potentiel de rendement pour tenir compte des évolutions climatiques.


Le statut du fermage : un pilier de la protection des agriculteurs et de l’installation des jeunes

Le statut du fermage et du métayage, créé après la Seconde Guerre mondiale, a marqué une avancée sociale majeure en sécurisant les fermiers et métayers face aux propriétaires. Instauré par l’ordonnance de 1945 et la loi de 1946, il garantit stabilité, équité et respect mutuel, encadre les obligations des parties et favorise l’installation des jeunes agriculteurs sans achat de foncier.

L’évolution du statut

Avant 1946, les fermiers et métayers n’avaient presque aucun droit. C’était le propriétaire qui décidait de tout : de l’organisation de l’exploitation, des cultures, et même du destin du fermier. Les contrats étaient souvent verbaux, les prix pas encadrés, et les fermiers vivaient dans une grande insécurité : ils pouvaient être congédiés à tout moment, et il n’était pas rare de devoir changer de ferme chaque année.

Après la Seconde Guerre mondiale, une ordonnance du 17 octobre 1945 et une loi d’avril du 13 avril 1946 sont venues compléter le statut du fermage. Cette réforme a limité les prix des baux, garanti des baux de 9 ans renouvelables et offert aux fermiers sécurité et stabilité. L’objectif était clair : protéger les agriculteurs tout en assurant la souveraineté alimentaire de la France.

Un régime juridique protecteur

Le statut du fermage est un ensemble de règles qui fixe les droits et devoirs du propriétaire (appelé bailleur) et du locataire agricole (appelé preneur ou fermier). Ce contrat, appelé bail rural ou bail à ferme, permet au propriétaire de confier ses terres ou ses bâtiments à un fermier, en échange d’un loyer appelé fermage.

Le montant du fermage est encadré par un arrêté préfectoral mis à jour chaque année. Aucune majoration n'est en principe possible, sauf investissements particuliers supportés par le bailleur. L'actualisation du loyer est ensuite assurée annuellement au moyen d'un indicenational des fermages mis en place en 2010. Ce mécanisme de régulation permet aux exploitants de bénéficier d'un coût de location raisonnable et soumis à de faibles variations.

La durée minimale d’un bail rural est de 9 ans, et il est renouvelé automatiquement si aucune des deux parties ne s’y oppose. Il existe aussi des baux plus longs, de 18 ou 25 ans, voire pour toute la carrière du fermier. Chaque type de bail a ses propres règles, mais aucun ne peut être rompu avant son terme, même en cas de changement de propriétaire. Le bail rural peut être écrit ou oral. S’il est oral, il est automatiquement considéré comme un bail de 9 ans. Le paiement du fermage sert alors de preuve pour faire valoir les droits du fermier. En principe, le bail rural ne peut pas être transmis à une autre personne. Cependant, une exception existe pour le conjoint, le partenaire de Pacs ou les enfants du fermier.

Un outil économique pour l’installation des jeunes

Aujourd’hui, le statut du fermage concerne plus de 80 % de la SAU en France et reste la référence pour la location de terres. Le fermage contribue à éviter la flambée des prix du foncier comme cela peut-être le cas chez nos voisins européens. L'accessibilité des loyers permet notamment à des nouveaux installés d’investir dans leurs outils de production plutôt que d’acheter des terres.

Alors que l’agriculture accueille de nouveaux profils, il est essentiel de garantir la pérennité de ce statut en le modernisant, afin qu’il prenne en compte l’évolution des pratiques et les aspirations des agriculteurs. À l’échelle nationale, 63 % des porteurs de projets ne proviennent pas du milieu agricole, et la part des installations hors cadre familial connaît une forte progression.

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