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Interview
« Une crise majeure sans précédent »

Présidente des Vignerons indépendants de Loir-et-Cher, Laure Dubreuil est vigneronne à Couddes. Elle revient sur les conséquences des épisodes de gel des dix derniers jours.

Horizons : Pouvez-vous nous dresser un état des lieux à la suite des épisodes de gel ?

Laure Dubreuil : L'ensemble des vignobles est impacté. Les organisations essaient de sonder. À Couddes, nous estimons être touchés entre 80 et 100 %. C'est un territoire gélif. Mardi 6 avril au matin, les cépages précoces étaient déjà gelés. Le lendemain, un millimètre d'eau/neige fondue est tombé et a ravagé dans le secteur tous les autres.

Quels systèmes de protection étaient mis en place ? Quid de leur efficacité ?

Le gel était advectif, et contrairement au gel radiatif, le front d'air froid rend les éoliennes peu efficaces. Certains îlots d'éoliennes groupées ont fonctionné pour les vignes qui sont autour. Par endroits, les bougies étaient allumées. Mais pour être efficaces, il fallait qu'elles soient allumées en temps et en heure et en quantité suffisante à l'hectare.

Si elles ont été efficaces par endroits, c'est un système très coûteux, et il faut avoir la main-d'oeuvre nécessaire. Au niveau aspersion, un viticulteur est équipé en Loir-et-Cher, à Cour-Cheverny. C'est assez efficace jusqu'à -7°C mais cela nécessite une vigilance toute la nuit pour ne pas que les tuyaux se bouchent.

Et la réglementation sur l'eau ne permet pas leur installation partout.

Quelles sont les pertes estimées à ce jour ?

Nous estimons 50 % de pertes suite à ces épisodes, mais attention, c'est variable. Nous préférons être vigilants et attendons mi-mai pour pouvoir nous rendre compte des dégâts. Le gel a été très agressif et très long cette année, les anciens n'avaient jamais vu ça. La végétation s'est complètement bloquée depuis dix jours, le système végétatif n'a pas redémarré.

Combien coûte l'installation des systèmes antigel ?

Le coût d'installation pour les éoliennes se situe entre 15 000 et 20 000 euros à l'hectare, et peut être subventionné. Mais cela nécessite d'avoir une parcelle de 5 hectares d'un seul tenant minimum. Le système par aspersion devrait être subventionné désormais, mais reste la question de sa faisabilité. Il y a la problématique des réserves d'eau nécessaires à leur fonctionnement.

Il y a un blocage de l'administration à ce niveau-là. Il existe un système depuis peu, qui semble être assez efficace : les fils chauffants, alimentés grâce à une ligne sous tension ou un générateur. Outre le coût de l'énergie consommée, l'investissement représente 20 000 euros de l'hectare. Nous n'avons pas assez de recul. À Bourgueil, nous avons un retour où ça a bien fonctionné compte tenu du stade de la végétation.

Mais quid si la végétation est tout en feuilles ? Il n'y a pas de solution miracle, chaque exploitation est différente. Les bougies, c'est très coûteux et leur emploi sur la durée nécessite de bien valoriser son vin.

Que demandez-vous à l'État ?

Nous demandons à l'État de mettre à disposition des outils antigel et des subventions. Le système assurantiel est à remettre à plat. Beaucoup de vignerons ont fait le choix de ne plus s'assurer car les récoltes des cinq dernières années sont prises en compte. Mais avec les différents sinistres ces dernières années et la franchise, beaucoup ne s'assurent plus.

L'objectif est qu'un maximum de vignerons s'assurent. Nous demandons à l'État de supprimer les charges sociales et de nous exonérer de charges patronales. Beaucoup de vignerons ont tout perdu, sans assurance et malgré le coût des dispositifs antigel. La chambre d'Agriculture va faire le nécessaire pour identifier et aider les vignerons en difficulté.

Avec la crise du Covid-19, la situation est dramatique pour certains. Les retours que nous avons aux Vignerons indépendants, c'est que c'est moralement très difficile. C'est un cumul : une crise majeure dans la crise, sans précédent à l'heure actuelle. Il est impératif que l'État nous aide.

La viticulture est la première économie en valeur à l'export, on ne peut pas le négliger. Je pense aussi à nos confrères arboriculteurs, céréaliers. Nous attendons vraiment une réponse forte de l'État.

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