Alimentation
Assises de l'alimentation : la Région Centre-Val de Loire met les petits plats dans les grands
À Orléans (Loiret), mardi 7 octobre, près de 500 participants ont assisté aux premières Assises régionales de l’alimentation. Une journée pour poser les bases d’un projet collectif autour du bien produire, bien transformer et bien consommer.
À Orléans (Loiret), mardi 7 octobre, près de 500 participants ont assisté aux premières Assises régionales de l’alimentation. Une journée pour poser les bases d’un projet collectif autour du bien produire, bien transformer et bien consommer.

Dans un amphithéâtre du centre des congrès plein à Orléans, producteurs, transformateurs, distributeurs, restaurateurs et acteurs publics ont planché, mardi 7 octobre, sur un sujet aussi vaste que concret : l’alimentation. Le président de la Région, François Bonneau, a ouvert ces premières Assises régionales en appelant à « sortir du chacun pour soi ». « Chacun a tenté de survivre dans son couloir de nage : les producteurs pour sauver leur ferme, les transformateurs pour tenir leurs ateliers, les distributeurs pour préserver leurs marges, et les consommateurs pour continuer à s’alimenter, a-t-il résumé. Mais cela ne permet pas de répondre aux enjeux économiques, sociaux et environnementaux de l’alimentation ».
Pour le président de Région, « créer du commun » est devenu une nécessité. L’enjeu n’est plus seulement de produire, mais de redonner une cohérence d’ensemble, du champ à l’assiette. « Un modèle économique fonctionne quand la valeur du produit tient compte du coût de sa production, du juste prix et de la capacité contributive de celui qui consomme. »
Un modèle à repenser, du poulet à la planète
François Bonneau a reconnu les dérives du modèle actuel : « La mondialisation a rendu banal de consommer un produit venu de l’autre bout du monde, alors qu’il est parfois produit à nos portes ». L’exemple du poulet a frappé l’auditoire lors de la séance plénière. La moitié de la volaille consommée en France vient aujourd’hui d’Ukraine ou du Brésil, parfois nourrie avec « des céréales produites en Beauce ». « Sur le plan écologique, ce modèle est terrible, a-t-il insisté. Il pousse à une productivité qui ne respecte ni la terre, ni l’air, ni l’eau ».
Derrière cette démonstration, c’est la volonté d’une relocalisation des productions, d’une valorisation des circuits courts et d’une transformation régionale qui s’affirme. Le président a rappelé que la Région s’engage à renforcer la marque C du Centre, levier d’identification et de fierté pour les produits issus du territoire.
Une urgence sociale et sanitaire
Au-delà de la production, les fractures sociales ont également été évoquées. François Bonneau a rappelé la réalité d’une précarité alimentaire croissante : « Au moment du Covid, on voyait à Orléans ou à Blois des files de 400 étudiants venus chercher un repas préparé grâce à des associations et des producteurs ». Une situation qui résonne avec une autre urgence, celle de la santé publique. La préfète de Région, Sophie Brocas, a souligné que 21,6 % de la population du Centre-Val de Loire est en situation d’obésité, contre 17 % en moyenne nationale. Ce qui place la région au troisième rang national pour le taux d’obésité. « Cela entraîne plus de cancers, plus de diabète, et cela touche des personnes de plus en plus jeunes. »
Pour la représentante de l’État, l’alimentation de qualité est un enjeu à la fois sanitaire et territorial : « Nous devons structurer des filières locales de qualité, capables de dégager de la valeur pour les agriculteurs. Pour cela, il faut transformer, avoir des débouchés, des compétences, de la formation ».
Accélérer la mise en œuvre d’Égalim
Les deux représentants se sont retrouvés sur un objectif : accélérer l’application de la loi Égalim. Cette loi impose à la restauration collective publique d’introduire 50 % de produits durables et de qualité, dont 20 % issus de l’agriculture biologique. « Nous n’en sommes qu’à la moitié du chemin, a reconnu Sophie Brocas. Dans la région, la restauration collective atteint 25 % de produits durables et 10 % de bio ».
Pour y remédier, la préfète a salué l’exemple de l’Eure-et-Loir, qui a mutualisé les achats publics pour simplifier les débouchés des producteurs et mieux garantir les prix. « Nous sommes prêts à nous associer à ces marchés publics, à financer des légumeries départementales et à travailler sur une stratégie régionale pour les abattoirs. »
Ces outils, selon elle, doivent permettre à la fois de renforcer l’élevage, de mieux valoriser les productions locales et de sécuriser les approvisionnements pour la restauration collective, tout en respectant les contraintes environnementales.
Transmettre, former, susciter le désir
La transmission du métier agricole a également occupé les échanges. François Bonneau a rappelé la difficulté à assurer le renouvellement des générations : « Notre meilleur horizon serait que, lorsque deux agriculteurs partent à la retraite, nous puissions en remplacer un ». Une perspective déjà incertaine, faute de modèles économiques viables. « Certains éleveurs sont payés 600 ou 800 euros par mois. Dans ces conditions, on ne peut pas leur demander de rester. »
Sophie Brocas a insisté sur la nécessité de « faire naître le désir » d’agriculture chez les jeunes : « La loi nous demande d’augmenter de 30 % les effectifs dans les lycées agricoles, mais tous ne veulent pas devenir agriculteurs. Pour cela, il faut leur faire connaître les métiers, leur faire visiter des exploitations, leur apprendre à cuisiner les produits locaux ».
Un socle commun pour l’avenir
Ces premières Assises ne devaient pas rester sans lendemain. La Région et l’État ont annoncé la mise en œuvre de mesures issues des ateliers de travail. Parmi elles : des actions autour du goût et de la formation des jeunes, la création d’un comité régional de l’alimentation chargé de suivre les projets, et la volonté d’ancrer durablement une identité alimentaire régionale.
« Ce ne sera pas un one shot, a assuré François Bonneau. Nous voulons inscrire cette dynamique dans le temps, avec des équipes, un calendrier et une méthode ». Un message que la préfète a repris à son compte : « Nous sommes alignés, État et Région, dans la même volonté d’agir. Quand on est unis, rien ne résiste ».
Les quatre grands enjeux de l’alimentation régionale
Quatre priorités se dégagent de ces premières Assises régionales de l’alimentation : Relocaliser la production et développer les circuits courts, Favoriser une alimentation de qualité pour tous avec le programme « Défi alimentation et le label Établissement bio engagé, Valoriser l’identité culinaire régionale et Renforcer la formation pour susciter des vocations dans les métiers du champ à l’assiette.
L’alimentation en Centre-Val de Loire en quelques chiffres clés
Le Centre-Val de Loire compte 19 916 exploitations agricoles, soit 21 % de moins qu’en 2010. Les grandes cultures couvrent 470 000 hectares, représentant 60 % des exploitations. La moitié d’entre elles sont dirigées par un exploitant de plus de 55 ans, et moins d’un quart par des femmes.
La transformation agroalimentaire s’appuie sur 342 établissements, 5 200 artisans et 11 000 salariés, pour un total de 14 332 emplois — soit 10 % de l’emploi industriel régional — et 3,4 milliards d’euros de chiffre d’affaires.
Côté distribution, la région recense 493 marchés de plein vent, une centaine d’Amap, et 67,5 % du commerce alimentaire assuré par les grandes et moyennes surfaces.
Enfin, sur le volet consommation, 21,6 % de la population adulte est touchée par l’obésité, ce qui place la région au troisième rang national. Dans les 95 lycées régionaux, plus de 8 millions de repas sont servis chaque année, dont 17,5 % de produits bio et plus de 20 % de produits locaux.