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Témoignage
[80 ANS FDSEA 77] Jean-Claude Pette : « Dans le syndicalisme, dès qu’on a le virus, il n’y a aucun vaccin, aucun remède, on est pris pour toujours »

Ancien éleveur laitier à la Ferme de Juchy à Lizines, Jean-Claude Pette a connu six décennies d'un monde agricole en pleine évolution. À l'occasion des 80 ans de la FDSEA 77, il revient sur les faits marquants et sa vision actuelle de l'agriculture et du syndicalisme avec son regard de jeune retraité.

© L.G.-D. - Horizons

« La ferme de mon enfance était encore avant tout un lieu de travail manuel, beaucoup de tâches demandaient un engagement physique. La véritable révolution a été celle de la mécanisation de la quasi-totalité des tâches : traite à la machine, manutention au tracteur puis au télescopique, livraisons en palettes et big bags… Tout a été fait pour améliorer les conditions de travail. Dans un second temps, c’est le confort de nos outils qui a évolué. La dernière évolution a été technologique avec la connexion de nos appareils (salle de traite et robots, matériel de récolte et de semis) à l’informatique, aux GPS, aux téléphones. Le téléphone portable a certainement été l’appareil qui a le plus changé nos modes d’organisation du travail en rendant tout le monde joignable même au milieu de nulle part.

L’évolution des rendements a certainement été l’un des faits marquants de mon adolescence. Pendant très longtemps, les rendements sont restés très aléatoires, tributaires des attaques diverses d’adventices, d’insectes ou de maladies. L’arrivée de la chimie a été une révolution, à beaucoup de problèmes correspondait une solution. Les rendements qui avaient déjà progressé avec l’arrivée des engrais restaient au début des années 70 aux alentours de 45 quintaux/hectare en céréales, 45 tonnes en betteraves (avec des centaines d’heures de travail de désherbage manuel). La chimie et la sélection génétique ont permis de doubler ces rendements, le progrès technique était très valorisant pour les paysans. C’était une joie réelle de se rendre maître des aléas. En élevage, l’insémination artificielle et la mise en place de méthodes de sélection scientifique ont permis de quadrupler les productions laitières, et les progrès ont été les mêmes pour les autres productions animales. C’est cette capacité nouvelle d’intégrer le progrès qui a motivé bon nombre de jeunes de ma génération à se lancer dans ce métier. Aujourd’hui, le frein sur ces évolutions possibles et les contraintes qui y sont liées démotivent les jeunes de s’installer.

La mise en place de l’Europe agricole a été un immense progrès engendrant une sortie des politiques nationales protectionnistes qui régulaient les marchés de façon très aléatoire au gré des changements politiques locaux. Cet énorme progrès a été compliqué à mettre en place et les contraintes dues à l’Europe ont bien sûr marqué la vie des agriculteurs durant toutes les années de ma vie professionnelle. C’est cette vie européenne qui m’a mis le pied à l’étrier au niveau syndical, avec mes premières manifestations, parfois très musclées dans les rues de Bruxelles, au moment de l’instauration des quotas. C'était le début d’une longue série de mobilisations et une succession de manifestations, tellement longue qu’il m’est bien impossible d’en faire la liste… Dans le syndicalisme, dès qu’on a le virus, il n’y a aucun vaccin, aucun remède, on est pris pour toujours.

Enfin, le dernier fait marquant concerne ma vie syndicale à la FDSPL 77 (Fédération départementale des syndicats de producteurs laitiers de Seine-et-Marne), avec la mise en place de la contractualisation dans le domaine du lait qui a conduit à la création de l’Organisation de producteurs (OP). Cette dernière nous a permis de nous battre, de défendre le prix de nos produits et de nous garantir une juste rémunération. Cette OP et son implication dans la gestion des AOP Brie a été l’outil qui a maintenu la production laitière dans notre département. C’est aussi parce que ces outils sont pertinents que j’ai réussi à trouver des jeunes pour prendre ma succession à leur tête. Mon vrai regret est de constater que malgré tout, le nombre de producteurs ne cesse de diminuer.

Le syndicalisme a beaucoup évolué depuis mes débuts professionnels. Les responsables de tous les échelons du syndicat avaient avant tout des rôles de représentation, auprès de l’administration et des politiques. Ils étaient d’ailleurs bien souvent impliqués politiquement. Peu à peu, les dossiers à traiter sont devenus de plus en plus pointus et les personnes ont été sollicitées en fonction de leurs compétences techniques. Chaque homme à son poste, gérant pour le compte de tous un ou deux dossiers. Le syndicalisme est devenu plus démocratique et plus ouvert à tous les types d’agriculture. Malheureusement cette évolution se fait aussi par une forme de cogestion accrue qui inhibe la partie revendicative du syndicat… C’est peut-être cela qui nous pose problème vis-à-vis de syndicats plus vindicatifs et faisant fi de proposer des solutions !

Mais notre rôle reste, j’en suis sûr, d’aider les agriculteurs et l’agriculture à passer les caps des évolutions sociétales, même si cela minimise notre représentativité toujours bien supérieure aux autres formations ».

Cet article fait partie d'un dossier spécial 80 ans de la FDSEA 77

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