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Diversification
La cameline, nouvelle opportunité pour l'agriculture de plaine ?

À l'occasion de son assemblée générale, la FNSEA Grand bassin parisien s'est intéressée à la cameline. Encore relativement confidentielle, cette petite graine pourrait bien trouver sa place en plaine pour répondre à un nouveau marché, celui des carburants d'aviation durables.

Imaginez. Nous sommes en 2050 et c'est désormais l'agriculture qui fait, pour partie, voler les avions de ligne. Dans un aéroport parisien, le vol Paris/Madrid décolle avec à son bord un « kérosène vert », dit carburant d'aviation durable, autrement appelé Saf (Sustainable aviation fuel), qui contient pour moitié une huile directement issue des plaines céréalières françaises.

Imaginez. Aux quatres coins des départements les plus céréaliers de France, une petite graine oléagineuse, trois à quatre fois plus petite qu'une graine de colza, répondant au doux nom de cameline, qui s'est progressivement imposée en intercultures et offre aux agriculteurs une nouvelle opportunité florissante.

Si ce scénario est encore aujourd'hui cantonné au rang de fiction, il pourrait devenir réalité d'ici quelques années. À l'occasion de son assemblée générale, la FNSEA Grand bassin parisien a organisé une conférence sur ces carburants d'aviation durables et leurs possibles opportunités économiques pour l'agriculture de plaine. Mardi 6 mai dans les locaux du groupe Avril à Paris, une table ronde rassemblant Emmanuel Manichon (groupe Avril), Perrine Tonin (Saipol), Ingrid Bausmerth (Total énergies), Fabrice Moulard (agriculteur et élu Fop) et Louis-Marie Allard (Terres Inovia), a permis d'apporter un éclairage concret sur les opportunités — et les contraintes — de cette culture encore relativement confidentielle en France.

22 millions de tonnes d'huile nécessaires d'ici 2050

« La réglementation autour des Saf est entrée en vigueur en France et en Europe dans le cadre de la réduction des émissions carbone de 50 % d'ici à 2050. Ces Saf doivent obligatoirement être issus de déchets, de résidus ou de cultures intermédiaires », explique Perrine Tonin. À ses côtés, Ingrid Bausmerth complète : « Désormais chaque appareil qui décolle de notre sol doit avoir dans ses réserves un carburant contenant au minimum 2 % de Saf et ce pourcentage sera amené à évoluer largement à la hausse ».

Pour le groupe Avril, le marché de la cameline est balisé, et la valorisation identifiée. « Les enjeux agronomiques pour l'agriculture sont importants et le rapport opportunité/business mérite d'y travailler. Ce nouveau débouché est une possibilité de ressource supplémentaire pour les agriculteurs dans un système où aujourd'hui, les cultures alimentaires seules ne sont plus assez rémunératrices pour faire vivre les exploitations », affirme Emmanuel Manichon. Et la représentante du groupe Total de confirmer : « Notre site pétrolier de Grandpuits en Seine-et-Marne est en cours de transformation pour produire des Saf. Les obligations d'incorporation sont bien en vigueur, le marché est exponentiel pour l'agriculture car il faudra trouver 22 millions de tonnes d'huile d'ici à 2050. Un de nos plus gros enjeux est donc évidemment de sécuriser nos stocks de matières premières ».

Obligatoirement en interculture

Reste qu'il va falloir lever un certain nombre de contraintes pour faire décoller la filière. D'abord, la réglementation autour des Saf impose des cultures intermédiaires et non alimentaires. Il faudra donc obligatoirement l'intercaler entre deux cultures : soit en interculture estivale avec un semis entre le 1er juin et le 10 juillet (après un pois d'hiver ou une orge d'hiver) et une récolte avant la mi-octobre ; soit en interculture d'hiver avec un semis à l'automne et une récolte en mai-juin pour laisser place au plus vite à une culture principale d'été type tournesol, sorgho ou sarrasin. Ces contraintes de calendrier peuvent toutefois se révéler difficiles à tenir selon les années et les conditions météo pour semer ou récolter…

Une rémunération attractive pour lancer la filière

Vient ensuite la complexité de cette petite graine qui peut s'avérer fragile et capricieuse. Agriculteur dans l'Eure, Fabrice Moulard teste la cameline chez lui depuis cinq ans. « On essaie différentes modalités, on apprend. Par exemple, la cameline derrière un pois, c'est ok, derrière une orge, les repousses ont tendance à bloquer le développement. On teste, on échoue parfois mais on sent qu'on est au début de quelque chose. C'est une culture qui peut être particulièrement intéressante dans des terres séchantes, qui peuvent être libérées tôt. En Île-de-France et en Eure-et-Loir par exemple, le travail à mener peut se révéler très intéressant ».

Enfin, le sujet de la rémunération sera évidemment au cœur de la construction de la filière. Rémunérée 600 euros/tonne aujourd'hui, la cameline devrait voir son marché se structurer progressivement, avec une volonté forte affichée par tous ce jour-là : « Construire un prix suffisamment attractif pour permettre le lancement de la filière et partir des besoins des producteurs pour établir le bon prix ». Primordial en effet pour un bon décollage de la cameline dans les plaines de la moitié Nord de la France.


La cameline sous toutes les coutures

Ingénieur chez Terres Inovia et investi dans le programme de recherche et d'expérimentation Carina autour de la culture de la cameline, Louis-Marie Allard a donné des clés de compréhension sur cette culture encore méconnue.

  • Cameline en culture estivale : cycle d'environ 100 jours ; potentiel de rendement de 5 à 17 q/ha. La gestion des pailles (pour un bon contact graine-terre) est primordiale et le semis doit intervenir le plus vite possible (24-48 heures) derrière la récolte, en semis direct à dent avec fertilisation azotée.
  • Cameline en culture hivernale : cycle d'environ 240 jours ; potentiel de rendement de 1 à 1,5 t/ha. Semis dans une parcelle propre, capable d'accueillir une culture principale d'été en semis tardif. Fertilisation azotée recommandée. Attention au désherbage du précédent, particulièrement en cas de faible travail du sol.
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