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La reine des épices et les Safraniers du Gâtinais

Rencontre avec les Safraniers du Gâtinais, Anne-Marie et Michel Fouquin, producteurs de safran à Corbeilles en Gâtinais.

© Sabrina Beaudoin

La production du safran dans le Gâtinais a été relancée dans le milieu des années 1980. 
« A cette époque-là, les USA remettent en cause les accords du GATT (en français: accord général sur les tarifs douaniers et le commerce), exigeants sans réciprocité, la suppression des subventions sur les céréales européennes. La conférence au Sommet de Fontainebleau de 1984 (Europe des 15) mettra en place des aides compensatoires en 1992 » se souvient Anne-Marie Fouquin. En 1984 également, Anne-Marie Dos Reis, professeur en sciences économiques au Lycée Agricole de Beaune-la-Rolande, découvre des marres à safran (outils pour planter les bulbes de safran et qui sert à ameublir la terre), lors d’un Projet d’Action Educative où les élèves devaient répertorier le matériel présent dans les exploitations agricoles avant la motorisation.
Ainsi, pour répondre à la crise des céréales et pour obtenir des revenus complémentaires, la relance de la culture de safran est envisagée. « Le Lycée m’a contacté. Pour cette relance, seule une démarche de groupe était possible » assure Anne-Marie Fouquin, formée par les jeunes agriculteurs.
Se met alors en place, de 1986 Association 1901, à 1992 syndicat de producteurs, «  les Safraniers du Gâtinais » avec un cahier des charges exigeant sur la mise en culture et le mode de séchage. Avec le soutien du ministère de l’agriculture, le syndicat des Safraniers importe 50 000 bulbes du Cachemire. « Fidèles à la tradition de nos aïeux, nous plantons les bulbes en planches de 5 rangs et 20 cm de profondeur qui nous offrent ainsi des fleurs plus belles avec des pistils plus longs et parfumés et limitent aussi le gel » précise-t-elle.
Cultiver du safran exige beaucoup de professionnalisme pour assurer la régularité de la qualité. C’est un crocus à végétation inversée. Il se plante en été, dans « une terre à grouette». La culture est renouvelée par tiers ou par quart tous les ans, en fonction de la météo. « Quelques fleurs le 1er automne et puis tout se développe l’hiver :grossissement et multiplication des bulbes qui se révèlent par le développement des feuilles très longues qui empêchent le binage en hiver. Aux premiers soleils de printemps, les feuilles sèches et les bulbes entrent en dormance» indique Anne-Marie Fouquin. Pour les bulbes qui viennent d’être replantés la floraison sera réduite, pour les autres, la floraison débute entre l’équinoxe d’automne (autour du 25 septembre) jusqu’à la Saint Martin (11 novembre). « Une fois, j’ai vu les premières fleurs un 19 septembre. C’était plus tôt que d’habitude, un clin d’œil pour mon anniversaire sans doute !» plaisante-t’-elle. « Notre plus gros souci c’est l’entretien et le désherbage. Une fois que l’on a les feuilles, si on bine on risque de les casser. Notre crainte c’est le rhizoctone violet (ou « mort du safran) qui peut détruire une culture en un rien de temps » précise-t-elle. Sont également ennemis de cette culture, les mulots, taupins, lors de la récolte, les escargots, pieds, tourterelles et l’hiver, les lapins de garenne qui viennent brouter les feuilles.

Une récolte minutieuse
Pour la récolte, il faut être patient et minutieux. Le Crocus sativus Linné est le seul bulbe dont le pistil de 3 stigmates rouges séchés est le safran. En Gâtinais, 125 à 150 000 fleurs donnent 5 kg de pistils frais qui perdent plus de 80% de leur poids au séchage pour finalement obtenir 1kg de safran sec. En fait, le safran n’est pas séché mais déshydraté. Il se conserve ainsi indéfiniment à l’abri de l’air et de la lumière.
Notons qu’un bulbe fraichement planté ne donnera suffisamment de fleurs qu’après la deuxième ou troisième année. « Pour la récolte, on cueille la fleur à la main, plutôt le matin, ensuite on les reprend une à une pour extraire de la fleur les stigmates. On passe à l’émondage, c’est-à-dire que l’ on ouvre le pédoncule de la corolle pour prélever le pistil en faisant attention de ne prendre que le rouge » précise-t-elle.  Chaque année, la récolte est différente et le goût également. « Avec le safran, on ne sait jamais à quoi s’attendre» raconte Michel Fouquin. «Comme les vins, les récoltes se suivent mais ne se ressemblent pas et les crus varient et évoluent. Hors terre du Gâtinais , de 180 à 250 pistils sont nécessaires pour un gramme sec au lieu de 125 à 150 chez nous » admet-elle.
A noter qu’en France, seuls sont conservés les filaments rouges, garants de l’arôme et de la saveur. Après l’émondage, le séchage est aussi une opération importante. Il s’agit de faire sécher les pistils environ 2 heures par ventilation à température moyenne et constante.
Notons que pour une personne habituée, il faut compter une heure de travail pour cueillir 1000 fleurs et près de 2 heures pour les émonder (retirer le pistil). Avec 1000 fleurs, on obtient 7 à 9 grammes secs soit 35 grammes frais, ce qui permet de cuisiner 700 à 1000 couverts.

Cuisiner le safran
Pour cuisiner le safran, il y a une règle de base à prendre en compte : savoir prendre son temps…. « Quand on cuisine le safran, il faut y penser d’avance» indique Michel Fouquin. En effet, c’est une épice festive. Il ne faut pas l’infuser ou la faire bouillir, il faut réhydrater le pistil avant de pouvoir l’utiliser et ainsi profiter de toute sa saveur. « En général, il faut le réhydrater. Il faut couvrir le pistil de liquide, (eau, lait, crème, vin blanc) dès la veille au soir, voire même 48 heures avant » complète Anne-Marie Fouquin A noter qu’il faut compter en moyenne un pistil par personne pour cuisiner. Un pistil est composé de trois filaments.
« Le Safran du Gâtinais a la réputation d’être le meilleur du monde, selon les grands épiciers internationaux ; quand ils ont un très bon lot du safran d’Iran ; ils l’appellent Safran du Gâtinais !» raconte-t-elle. Rappelons que 95 % de la production mondiale provient d’Iran.
La marque « les Safraniers du Gâtinais » a été déposée à l’INPI en 1990 et les Safraniers sont membres du réseau Bienvenue à la Ferme. Aujourd’hui, ils sont donc organisés pour accueillir, sur rendez-vous, des groupes et particuliers à la ferme afin de leur faire découvrir l’histoire du safran. « De mars à septembre, nous recevons des groupes pendant 2 heures. Nous leur faisons visiter la parcelle de safran, nous évoquons l’histoire, les maladies, la cueillette puis nous faisons une dégustation. Nous diffusons une vidéo d’explication sur l’or rouge du Gâtinais puis une nouvelle dégustation. Produit de longueur, les papilles sont alors mieux sensibilisées et ils ressentent mieux le goût du safran » avoue-t-elle.
Pour les Safraniers du Gâtinais, Anne-Marie et Michel Fouquin commercialisent leur safran auprès des particuliers et quelques restaurateurs. En France, le gramme de safran se vend en moyenne à 30 ou 40 euros.

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