La souveraineté alimentaire au cœur d'une visite ministérielle
Les ministres Annie Genevard et Véronique Louwagie se sont déplacées à Osny (Val-d'Oise) le 24 avril pour assister à un contrôle, par les services de l’État, de l’affichage de l’origine des fruits et légumes dans une grande surface.
Les ministres Annie Genevard et Véronique Louwagie se sont déplacées à Osny (Val-d'Oise) le 24 avril pour assister à un contrôle, par les services de l’État, de l’affichage de l’origine des fruits et légumes dans une grande surface.






Pour renforcer la souveraineté alimentaire nationale, le gouvernement veut lutter contre la « francisation » des produits. C'est-à-dire un étiquetage « origine France » de denrées provenant d’un autre pays. C'est avec l'idée que la reconquête de la souveraineté alimentaire passe par la relance de la production nationale et surtout par la lutte contre les fraudes qu'Annie Genevard, ministre de l’Agriculture et de la Souveraineté alimentaire, et Véronique Louwagie, ministre déléguée chargée du Commerce, de l’Artisanat, des Petites et moyennes entreprises et de l’Économie sociale et solidaire, se sont déplacées à Osny (Val-d'Oise) jeudi 24 avril.
« Le gouvernement est déterminé à lutter contre cette pratique qui fausse la concurrence, qui met une pression sur les prix et qui porte atteinte à la ferme France, ainsi qu'aux producteurs français qui font beaucoup d'efforts pour offrir aux consommateurs une production de grande qualité que nous devons défendre », explique la ministre de l'Agriculture, Annie Genevard. « L'agriculture française est un gage de qualité pour le consommateur et ce lien de confiance doit être très soigneusement protégé », ajoute-t-elle.
« À partir du moment où les Français et les consommateurs sont attachés à la qualité et à l'origine du produit, il faut pouvoir s'assurer que les informations sont bonnes. En 2024, 10 000 contrôles ont été effectués sur l'origine des produits alimentaires dont la moitié portait sur les fruits et légumes », note son homologue Véronique Louwagie. En moyenne, 30 % des contrôles révèlent une anomalie dont la majorité est mineure. L'un des cas les plus graves a abouti, en août 2024, à la condamnation par la justice d'un grossiste à 100 000 euros d’amende pour la « francisation » de plusieurs milliers de tonnes de fruits rouges.
Le Val-d'Oise vigilant
Les deux ministres ont donc assisté à un contrôle des services de l’État dans un magasin E.Leclerc. « Les contrôles présentent trois objectifs : assurer la protection économique des consommateurs, veiller à une concurrence loyale entre les distributeurs et protéger les acteurs de la filière agricole française », détaille le préfet du Val-d'Oise, Philippe Court. La préfecture du Val-d'Oise est vigilante sur ce sujet. En 2024, les agents du département ont contrôlé 220 établissements. Ce qui a conduit à 61 avertissements, 14 injonctions et 9 procès-verbaux aboutissant à des amendes de 500 à 10 000 euros. Pour les infractions les plus importantes, le préfet n'hésite pas à publier le nom des contrevenants sur les réseaux sociaux afin d'en porter connaissance aux consommateurs. Sur le début d'année 2025, 69 contrôles ont déjà été réalisés pour des proportions de sanctions similaires à l'année passée.
Deux enquêteurs du service de la répression des fraudes (DGCCRF*) de la direction départementale de la protection des populations du département étaient présents pour expliquer aux ministres comment fonctionne un contrôle. En passant devant les carottes des sables en vrac, un agent remarque qu'elles ne sont pas suffisamment lavées et que la terre va rajouter du poids et donc un prix plus élevé pour le consommateur. Aucun autre manquement réglementaire n'est relevé malgré les nombreux arrêts devant les fraises, les tomates, les herbes aromatiques ou encore le bœuf. Les enquêteurs expliquent aux ministres que lorsqu'ils constatent une anomalie sur les étiquettes, ils peuvent demander au magasin de leur fournir les factures pour vérifier la traçabilité des produits et procéder à des prélèvements en cas de suspicion. Ces derniers sont ensuite envoyés en laboratoire pour être comparés à une banque de données leur permettant de déterminer le terroir du produit.
Les conférences de la souveraineté alimentaire
« Le travail du ministère et du gouvernement est d'améliorer la souveraineté alimentaire française », assure Annie Genevard. « La grande distribution, comme l'ensemble de la distribution, a son rôle à jouer pour encourager, reconnaître, valoriser les bons produits de l'agriculture française », ajoute-t-elle. « Nous avons 10 à 15 % de produits en alliance locale, donc à moins de 100 kilomètres du magasin, et de nombreux autres produits qui viennent d'ailleurs en France », relate Samuel Gouy, propriétaire du Leclerc d'Osny. « Lorsque nous travaillons avec des producteurs locaux, nous leur donnons nos besoins, ce qui leur permet d'anticiper les volumes », complète-t-il.
« Je suis très attaché à ce que les consommateurs soient bien informés et ils demandent à avoir beaucoup de transparence, notamment sur l'origine. On le voit dans ce supermarché où l'origine France est bien mise en valeur, ce qui correspond à l'attente des citoyens », estime quant à elle Véronique Louwagie.
La ministre de l'Agriculture en a profité pour annoncer son intention de « lancer, avant l'été, une grande opération appelée Les conférences de la souveraineté alimentaire ». Dans les prochaines semaines, « je vais demander à chacune des filières de nous faire un plan de reconquête de souveraineté alimentaire », a-t-elle ajouté.
*Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes.
Jean-Claude Guehennec :
« Le problème, c'est que nos produits sont plus chers »

Maraîcher au Mesnil-le-Roi (Yvelines), Jean-Claude Guehennec est président de l'Union des producteurs de fruits et légumes, vice-président de Légumes de France et vice-président de la FDSEA. Il répond à nos questions.
Quel est votre avis sur la problématique de l'origine des fruits et légumes ?
Jean-Claude Guehennec : Nous souhaitons qu'il y ait le plus d'origine France possible, surtout quand les fruits et légumes sont de saison, mais ce sont les consommateurs qui décident quels produits consommer. Le problème, c'est que nos produits sont plus chers que ceux venus de chez nos voisins espagnols ou italiens et encore plus que ceux du Maroc. La différence, c'est que leur main-d'œuvre coûte beaucoup moins cher. Nous avons trop de charges.
Êtes-vous satisfait de l'annonce de la ministre de l'Agriculture de lancer une grande opération appelée Les conférences de la souveraineté alimentaire ?
Il y a des annonces, mais il nous faut des actes. Les anciens ministres avaient également annoncé vouloir reconquérir la souveraineté alimentaire, mais nous ne voyons rien venir.
Quelles sont vos propositions pour reconquérir la souveraineté alimentaire ?
Nous demandons que le gouvernement nous donne le moyen d'être le plus compétitif possible. Il faut aussi éduquer le consommateur avec des publicités. L'un des problèmes majeurs, c'est que les employés dans les rayons fruits et légumes ne connaissent pas les produits. Ils ne sont pas forcément capables de distinguer une salade d'une autre. En France, il n'y a pas de formation pour cela. Il y en a en boucherie, pourquoi pas en fruits et légumes ?
Poulaillers
La ministre de l'Agriculture, Annie Genevard, s'est exprimée sur la problématique de la volaille française, « celle où la souveraineté française est la plus faible de toutes les filières de viandes », appelant à construire de nouveaux poulaillers : « En 2000, nous étions autosuffisants à 149 %. Aujourd'hui, la production française couvre 50 % de la consommation. Cela doit nous interroger sur les accords de libre-échange. C'est pour cela que nous nous battons contre le projet d'accord du Mercosur. Pour reconquérir la souveraineté alimentaire, il faudrait construire un poulailler par an et par département pendant cinq ans. Je dis aux producteurs de reconquérir l'ensemble de la gamme y compris l'entrée de gamme. Il faut aussi que les Français réalisent que sinon on les condamne à des normes de production qui n'ont rien à voir avec les normes qu'on impose à nos producteurs ».