Le maïs sauve sa récolte, pas ses revenus
Dans le Loiret, la campagne maïs se déroule sous de bons auspices sur le plan agronomique, notamment en irrigué. Mais pour Sébastien Méry, président de la FNSEA 45 et secrétaire général de l’AGPM, les signaux économiques et politiques restent inquiétants : prix historiquement bas, charges en hausse et incertitudes autour de l’eau et des accords commerciaux.
Dans le Loiret, la campagne maïs se déroule sous de bons auspices sur le plan agronomique, notamment en irrigué. Mais pour Sébastien Méry, président de la FNSEA 45 et secrétaire général de l’AGPM, les signaux économiques et politiques restent inquiétants : prix historiquement bas, charges en hausse et incertitudes autour de l’eau et des accords commerciaux.


La campagne maïs 2025 avance dans de bonnes conditions. « En maïs irrigué, on a de bons rendements inattendus », observe Sébastien Méry, président de la FNSEA 45 et secrétaire général de l’Association générale des producteurs de maïs (AGPM). L’ensoleillement régulier, les températures élevées et les pluies opportunes de juillet et août ont favorisé la culture. « On a eu un démarrage précoce, des floraisons précoces et une fin de cycle très favorable », précise-t-il.
L’humidité des grains reste faible, ce qui constitue un avantage économique pour le séchage. « Cette année, le maïs a bien terminé, c’est un atout. » Les récoltes se poursuivent actuellement, avec des volumes globalement supérieurs à ceux de 2024 sur les parcelles irriguées.
Des écarts marqués en pluvial
Le tableau est plus contrasté pour les maïs non irrigués. « On sera très hétérogène selon la profondeur des sols et leur réserve utile », affirme Sébastien Méry. Les sols superficiels ont souffert du manque d’eau estivale, quand les terres plus profondes affichent de bons rendements. Le salissement a aussi pu peser sur certaines parcelles, accentué par la perte du S-métolachlore, molécule racinaire de référence interdite cette année. « On a pu avoir des impasses de désherbage à certains endroits. »
De bons volumes, mais une économie à la peine
Sur le plan économique, la situation demeure tendue. « On a de bons rendements, mais une situation économique catastrophique », alerte le président de la FNSEA 45. Les prix du maïs évoluent à des niveaux historiquement bas, sur fond d’abondance mondiale.
Des récoltes record sont annoncées au Brésil et aux États-Unis, qui dominent toujours le marché. « Le maïs américain fait les prix, car il est coté en dollars. Avec un euro fort, on perd en compétitivité. » En Europe, la récolte s’annonce moyenne. L’Ukraine, de son côté, bénéficie d’une bonne campagne. En France, la concurrence des autres céréales à bas prix accentue la pression.
« On se situe aujourd’hui sur les prix du maïs les plus bas depuis vingt ans », souligne Sébastien Méry. Dans le même temps, les coûts de production repartent à la hausse : engrais, énergie, mécanisation. Pour la troisième année consécutive, plus de la moitié des exploitations de grandes cultures affichent un résultat courant avant impôt négatif.
L’eau, un sujet à la fois technique et politique
Autre dossier majeur : celui de l’eau. « Dans le Loiret, il faut pouvoir mobiliser la ressource pour toutes les productions et tous les territoires », plaide Sébastien Méry. Les discussions sur les volumes prélevables, les stockages et la répartition des usages restent sources d’incompréhension. « Il y a une divergence de position entre la profession et l’administration. »
Pour le responsable syndical, la question de l’eau ne peut se limiter à des restrictions. « Si on veut continuer à produire sur notre territoire, il faut une approche territoriale et équilibrée. »
Eau qualitative : la profession appelle à la vigilance
La filière se montre également attentive au volet qualitatif. Les travaux menés par l’État sur les captages d’eau potable dits « à enjeux » inquiètent les producteurs. « Les références utilisées incluent des molécules ou métabolites interdits depuis longtemps. Si ces indicateurs servent à définir les futurs périmètres de protection, cela pourrait déboucher sur de fortes contraintes pour les agriculteurs », prévient Sébastien Méry.
Il appelle à un dialogue fondé sur des données actualisées. « Il faut que les politiques publiques s’appuient sur des indicateurs fiables et qu’elles tiennent compte des réalités économiques. »
Une avancée législative saluée
Sur ce point, le responsable professionnel souligne néanmoins une avancée avec la récente loi pour « lever les contraintes en agriculture », portée par le sénateur Laurent Duplomb. « L’article 5, qui traite de l’eau, représente une véritable victoire pour notre monde agricole », se réjouit Sébastien Méry. Le texte reconnaît désormais la notion d’intérêt général majeur pour les projets de stockage de l’eau, facilitant ainsi leur instruction. Il impose également que chaque étude de volume prélevable s’accompagne d’une étude socio-économique, sans décret d’application. « C’est immédiat, et cela change beaucoup de choses. On pourra désormais intégrer la dimension économique dans les études sur l’eau. »
Pour Sébastien Méry, la balle est désormais dans le camp des responsables agricoles : « À nous de faire appliquer cet article 5 sur le terrain et de nous assurer que ces études soient effectivement menées ».
Des inquiétudes européennes et mondiales
Les incertitudes dépassent le seul cadre local. La réforme de la Pac 2027-2032 et les débats budgétaires à Bruxelles préoccupent la filière maïs. « Si on veut rester souverains en Europe, il faut une Pac ambitieuse et des moyens adaptés ».
Les discussions commerciales en cours avec le Mercosur, l’Ukraine ou les États-Unis suscitent aussi de vives inquiétudes. « L’Europe reste la seule à appliquer strictement les règles du commerce mondial alors que d’autres s’en affranchissent », déplore-t-il. Les clauses de sauvegarde annoncées dans le cadre du Mercosur « ne sont pas suffisamment contraignantes et difficilement applicables ».
« Nous ne refusons pas les échanges, mais nous voulons des garde-fous, explique le secrétaire général de l’AGPM. Quand des produits ne respectent pas nos normes de production, il faut des protections, par exemple douanières ».
Une filière lucide, mais épuisée
Alors que les moissons se poursuivent, le moral des producteurs reste fragile. « Le contexte économique pèse lourd, et les incertitudes politiques et réglementaires s’ajoutent à la lassitude. »
Pour Sébastien Méry, la réussite agronomique de 2025 ne saurait masquer la fragilité structurelle des exploitations : « Si on veut continuer à produire du maïs en France, il faut redonner confiance, clarifier les orientations politiques et garantir des moyens de production ».
Voir aussi Maïs : le congrès de l’AGPM à Orléans