Viticulture
Les Bléchet redonnent une place au vin en Beauce
Entre diversification agricole et reconversion professionnelle, le Domaine Bléchet, à Jouy-en-Pithiverais (Loiret), s’est lancé en 2020 dans le vin. Anne, Jean-François et Éric ont choisi des cépages résistants pour réintroduire la vigne en Beauce. Quatre ans plus tard, l’aventure familiale prend forme et suscite la curiosité des amateurs comme des restaurateurs.
Entre diversification agricole et reconversion professionnelle, le Domaine Bléchet, à Jouy-en-Pithiverais (Loiret), s’est lancé en 2020 dans le vin. Anne, Jean-François et Éric ont choisi des cépages résistants pour réintroduire la vigne en Beauce. Quatre ans plus tard, l’aventure familiale prend forme et suscite la curiosité des amateurs comme des restaurateurs.



Dans la ferme familiale des Bléchet de Jouy-en-Pithiverais (Loiret), au lieu-dit Beauclair, les parcelles de vigne détonnent au milieu des champs de céréales. La route qui y mène s’appelle d’ailleurs rue des Vignes, comme un clin d’œil. Ici, trois hectares de vignes ont été plantés en 2020, moitié en blanc, moitié en rouge.
Le projet est né de la rencontre de plusieurs envies. « C’est à la fois un projet de diversification pour mes frères, qui sont en grandes cultures, et un projet de reconversion pour moi », explique Anne Bléchet. Après une carrière dans l’administration territoriale, elle a choisi de rejoindre ses deux frères, Jean-François et Éric. « J’ai travaillé dans l’administration territoriale, et les quatre années passées comme secrétaire générale de la sous-préfecture m’ont permis de rester proche du projet. Depuis un an, je suis en disponibilité ». La fratrie partage une passion pour le vin. « C’est Éric qui avait déjà cette idée depuis longtemps. Quand nous avons cherché une diversification, le vin est naturellement arrivé. »
Le choix des cépages résistants
Dès le départ, la fratrie veut innover. « Tant qu’à remettre des vignes en Beauce, autant le faire avec des cépages résistants au mildiou et à l’oïdium », précise Anne Bléchet. Le domaine cultive ainsi deux variétés de cépage blanc, le floréal et le voltis, et deux variétés rouges, le artaban et le vidoc.
Ces cépages sont récents. Inscrits au catalogue des variétés depuis 2018, ils sont entrés dans le cahier des charges de l’IGP Val de Loire en 2019. « Ce sont des amis vignerons en AOP Pic Saint-Loup qui nous en ont parlé. Nous sommes sans doute le seul domaine en France à être aujourd’hui 100 % cépages résistants », souligne la vigneronne.
Leur intérêt est clair : limiter les traitements phytosanitaires. « Nos deux premières vendanges, nous n’avons fait aucun traitement sur le feuillage. C’était un vrai pari, mais ces cépages sont conçus pour ça. » Pour Anne Bléchet, il ne fait aucun doute que ces variétés vont peu à peu trouver leur place en France. En effet, les maladies comme le mildiou ou l’oïdium représentent un poids considérable pour les exploitations. Miser sur des cépages capables d’y résister apparaît comme une véritable solution d’avenir.
Premières récoltes et apprentissages
La première vendange a eu lieu en 2022. « La vigne monte en puissance pendant quatre ans. C’est à partir de la quatrième récolte qu’on connaît son potentiel moyen », explique Anne. Mais le parcours n’a pas été linéaire.
En 2024, comme beaucoup de viticulteurs, le domaine a subi les aléas climatiques. « Nous n’avons récolté que du blanc. Le peu de rouge manquait de maturité, nous l’avons donc vinifié en rosé pétillant. » Ce choix de circonstance s'est finalement transformé en opportunité. « Le pétillant nous a permis de rebondir. Nous avons décidé d’en refaire cette année, toujours en méthode traditionnelle. »
La vendange 2025 s’annonce plus prometteuse. « Pour l’instant, la quantité est correcte et la qualité devrait être au rendez-vous », se réjouit l'exploitante. Comme partout en France, la récolte est arrivée plus tôt que prévu, conséquence des chaleurs estivales.
Un bâtiment réhabilité pour vinifier
Pour transformer le raisin, les Bléchet ont choisi de restaurer un ancien bâtiment de la ferme. « Ça aurait été plus simple de construire du neuf, mais ce bâtiment faisait partie de l’histoire », raconte Anne. Ancienne bergerie, il a vu passer quatre générations. « Il nous tenait à cœur de lui redonner une fonction. Il s’y prêtait bien par sa dimension. Nous avons pu le conserver tout en lui donnant une deuxième jeunesse. »
Le domaine s’est équipé avec du matériel d’occasion, sauf pour la cuverie inox, achetée neuve pour faciliter la vinification. « Ça reste un gros investissement. C’est aussi pour ça que nous devons développer notre réseau commercial. »
Du rang de vigne au verre de vin
La famille tient à maîtriser toute la chaîne, de la culture à la vente. « C’est passionnant parce que nous faisons tout de bout en bout. Mais nous apprenons chaque jour un nouveau métier. » La commercialisation représente un vrai défi. « 2024 a été une petite année, donc nos volumes sont encore limités. Pour l’instant, nous vendons surtout en local, sur des salons, des foires aux vins, en direct et chez des restaurateurs. »
Les vins du domaine ont déjà trouvé leur place sur quelques tables de Pithiviers, mais aussi chez de grands noms. « Nous travaillons avec Le Lancelot, à Chilleurs-aux-Bois, et avec La Table d’à côté, à Ardon, restaurant récompensé d'une étoile au guide Michelin. C’est une très belle collaboration, le sommelier a vraiment à cœur de mettre en avant les produits locaux. Pour nous, c’est une chance. »
Des vins qui surprennent
À la dégustation, la curiosité est au rendez-vous. « Les gens trouvent ça chouette de remettre de la vigne ici. Ils sont souvent agréablement surpris », note Anne Bléchet. Le blanc séduit par son profil aromatique. « Il est très aromatique et atypique. » Le rouge se distingue par des notes de petits fruits. « C’est un style très Val de Loire. Ça surprend, mais ça plaît. »
Ce résultat rassure la famille. « Nous n’avions aucun recul sur ce que produiraient ces cépages. C’était un vrai pari. Mais c’est une belle aventure familiale. »
Un ancrage dans le paysage beauceron
En Beauce, terre de grandes cultures, la vigne avait presque disparu. Voir réapparaître des ceps à Jouy-en-Pithiverais suscite l’intérêt.
Les vendanges sont réalisées mécaniquement et uniquement en famille. Le choix d’implanter ce vignoble dans une région céréalière participe à diversifier le paysage agricole, mais aussi à écrire une nouvelle page pour l’exploitation.
Une aventure à poursuivre
Pour les Bléchet, le vin reste une activité encore jeune, à consolider. « Nous avons beaucoup à apprendre, mais nous avançons. » La priorité est désormais de développer la notoriété et d’élargir la clientèle. « Nous voulons continuer à travailler avec les restaurateurs locaux, mais aussi aller chercher d’autres marchés. »
Installé au cœur de la Beauce céréalière, le Domaine Bléchet fait figure d’exception avec ses trois hectares de cépages résistants. Après quatre récoltes, dont une année 2024 compliquée par les aléas climatiques, la fratrie mesure déjà le chemin parcouru. Les vins, distribués localement et sur quelques belles tables, trouvent leur place. Une aventure encore récente, mais qui marque le retour de la vigne à Jouy-en-Pithiverais et ouvre une nouvelle page pour l’exploitation familiale.
+ d'infos :
Pour tout renseignement et pour contacter le domaine, consulter domaineanneblechet.fr
Les cépages cultivés sur le domaine
- Floréal (blanc) : croisement entre du sauvignon et des variétés résistantes, il donne des vins aromatiques, floraux et fruités.
- Voltis (blanc) : apprécié pour sa fraîcheur et sa vivacité, adapté aux climats plus chauds.
- Artaban (rouge) : profil léger, fruité, sur les petits fruits rouges.
- Vidoc (rouge) : plus structuré, aux notes sombres et épicées.