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Interview
« Tension sur les fourrages pour les éleveurs »

En ce début de printemps, les agriculteurs sont confrontés à une faible pousse de l’herbe. Les pâturages sont difficiles à mener. Anne-Aël Le Meur, conseillère fourrages à la chambre d’Agriculture, dresse un état des lieux dans le Loiret.

Horizons : Qu’en est-il de la pousse de l’herbe en ce début de saison ?

Anne-Aël Le Meur : Ce début de printemps 2021 ressemble beaucoup à celui que nous avons vécu l’année dernière. Les mois de février et mars ont été plutôt chauds et dynamiques.

En revanche, le mois d’avril ne nous a pas offert des conditions favorables. Le temps est froid et sec, sans compter le vent d’est qui est très défavorable à la dynamique des prairies. Habituellement, à partir du 10-15 avril nous devrions avoir une explosion de l’herbe. Cette explosion permettrait aux éleveurs allaitants de pâturer à 100 % dans de bonnes conditions et ainsi d’économiser leurs fourrages stockés.

Quant aux éleveurs laitiers, la pousse de l’herbe aurait dû permettre une forte diminution de la ration distribuée à l’auge et ainsi augmenter l’apport d’herbe au pâturage. Une augmentation du lait est induite grâce à la consommation d’herbe sur pied, surtout pour les éleveurs bio.

En d’autres termes, nous devrions être dans une période où l’herbe est de plus en plus abondante. Les animaux devraient être plus nombreux à l’herbe afin de consommer une grosse partie voire la totalité de leur ration.

Aujourd’hui, l’herbe ne pousse pas aussi rapidement que les animaux la consomment. Les éleveurs sont obligés de réduire leur temps de pâturage à l’herbe, d’intégrer plus de surface en herbe afin de combler les besoins, et dans les cas les moins favorables vendre des animaux.

Pourquoi les éleveurs font-ils face à un problème de stock de fourrages ?

Les éleveurs font face à trois années de sécheresses estivales, où les cultures de printemps n’ont pas exprimé la totalité de leur potentiel, et qui ont aussi causé beaucoup de dégâts sur les prairies. Non seulement les récoltes ont été moins bonnes mais les implantations de fin d’été ont été extrêmement difficiles voire impossibles, ce qui impacte les années suivantes.

En plus de ces mauvaises années de production fourragère, sur tout le département du Loiret il y a eu une mauvaise récolte céréalière en 2020, donc une mauvaise récolte de paille. D’ordinaire, nous arrivons à produire quatre tonnes de paille par hectare. En 2020, beaucoup d’agriculteurs n’en ont produit que deux tonnes par hectare.

Le Loiret n’est pas habitué à être déficitaire en paille car le département compte beaucoup de céréaliers. Dans une exploitation agricole, il est normal d’avoir plusieurs mois de report de stock. Il faut de la souplesse entre ce que l’on récolte et ce que l'on n’a pas encore consommé. Désormais, ce stock a disparu. La plupart des éleveurs allaitants manquent donc de stock en foin, en fourrage humide et/ou en paille.

Face à cette situation, ils ont pu sortir leurs bêtes au mois de mars grâce à une fin d’hiver propice. Il n'y a pas eu de problème de portance mais l’herbe ne se renouvelle pas assez rapidement pour continuer à faire pâturer selon nos estimations habituelles.

Le gel a-t-il aggravé la situation ?

Toutes les cultures d’hiver pour les fourrages, type méteil et ray-grass d’Italie, ont réussi à se développer malgré le gel. Des récoltes vont être faites avant d’implanter les maïs. Le sud du département est tout de même un peu inquiet puisque les méteils ne sont pas aussi développés que prévu.

Normalement, ces méteils sont récoltés début mai pour pouvoir ensuite semer du maïs ou autre culture de printemps. À l’heure actuelle, les agriculteurs s’interrogent : doivent-ils récolter leur méteil avant qu’il ne monte à épiaison et privilégier la qualité ou décaler leur récolte de deux ou trois semaines pour gagner en quantité ?

Dans ce cas, cela décalera également la date de semis des cultures de printemps. Et ça, c’est une perspective plutôt inquiétante.

En effet, nous avons constaté ces trois dernières années que les maïs qui s’en sortaient le mieux dans les systèmes non irrigués, étaient ceux semés le plus tôt, ceux qui profitent de la pluie du mois de mai.

Évidemment, les températures négatives du début du mois n’ont pas favorisé la pousse de l’herbe mais les prairies n’ont pas véritablement gelées. En comparaison avec d’autres cultures, nous ne pouvons pas parler de dégâts mais de retard.

Quel impact a la sécheresse sur les fourrages ?

Le stress hydrique sur les fourrages annuels implique des épiaisons plus précoces sans qu’ils aient le temps de faire plus de biomasse. Sauf que dès que les épis sortent, la qualité nutritive des fourrages baisse considérablement.

Les agriculteurs sont donc contraints de récolter leur fourrage pour garder la qualité mais n’atteignent pas la quantité qu’ils avaient en objectif. Nous sommes actuellement sur les projections des semis de cultures de printemps pour tabler sur une pluviométrie qu’on espère plus généreuse en deuxième partie de printemps.

Même phénomène pour les prairies sauf que nous pouvons récolter ou nettoyer et espérer une bonne repousse par la suite. Le problème avec le retard que prennent les prairies, c’est que même si nous avons de l’eau à équivalence des besoins, si les températures augmentent trop rapidement et fortement, les prairies stoppent leur développement.

Il faut donc que l’on retrouve des précipitations convenables le plus tôt possible pour limiter l’impact.

Dans quel état d’esprit sont les éleveurs ?

Ils accumulent les difficultés d’année en année. Trois étés se sont succédé avec des températures extrêmes et des pluviométries faibles. Nous essayons de chercher des solutions mais même en cultures d’hiver, nous ne sommes pas assurés d’avoir une récolte satisfaisante avec des printemps également peu favorables.

Il y a clairement une tension fourragère et les éleveurs sont très persévérants. La surface dédiée aux fourrages augmente d’année en année sur les exploitations pour subvenir aux besoins d’un même nombre d’animaux.

On cherche constamment des solutions pour s’adapter au changement climatique et rester compétitif. L’entraide entre agriculteurs et les échanges céréaliers-éleveurs sont à privilégier. Les éleveurs ont besoin de soutien et de solutions.

Pour en savoir plus : https://centre-valdeloire.chambres-agriculture.fr/produire-innover/productions-animales/fourrages/

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