Une famille unie par le travail et portée par la noisette
À Malleroy, à l’est du Loiret, Loïc et Alexandrine Chocat ont su faire évoluer leur ferme familiale avec courage et bon sens. Passés du lait à la viande, puis à la noisette, ils ont construit, avec leurs enfants, une exploitation soudée où la ténacité se conjugue au travail et à la transmission.
À Malleroy, à l’est du Loiret, Loïc et Alexandrine Chocat ont su faire évoluer leur ferme familiale avec courage et bon sens. Passés du lait à la viande, puis à la noisette, ils ont construit, avec leurs enfants, une exploitation soudée où la ténacité se conjugue au travail et à la transmission.
À Malleroy (Loiret), les bâtiments de la ferme Chocat dominent doucement la plaine. Ici, tout part d’une histoire de famille. Alexandrine s’y est installée en 1997 avec son père, sur les terres de sa grand-mère, en polyculture-élevage laitier en Gaec. « Nous produisions du lait pour la laiterie de Courtenay, qui le transformait en brie de Meaux AOC », se souvient-elle. Les traites rythmaient la vie de la ferme.
À cette époque, Loïc, originaire de l’Yonne, travaillait comme salarié dans une coopérative agricole. En 2004, il rejoint l’exploitation familiale et s’associe au Gaec. L’équilibre semble trouvé, mais le quotidien reste exigeant. En 2009, le père d’Alexandrine prend sa retraite. Dans le même temps, un salarié quitte la ferme. Le couple se retrouve seul pour faire tourner l’exploitation : 310 hectares, 90 vaches laitières et une quinzaine de vaches à viande. À la maison, trois enfants encore en bas âge. La charge devient vite immense.
« Nous nous sommes demandé ce qu’on faisait, raconte Loïc. Le choix a été difficile, mais nous avons décidé d’arrêter le lait et de passer en élevage viande ». Alexandrine ajoute : « Nous aurions pu tout stopper, mais on aimait trop les animaux ». Leur dernière traite a lieu le 24 décembre 2009, un Noël sans vaches, et le début d’une nouvelle vie. « C’était à regret, mais la coopérative ne valorisait pas vraiment notre lait », confie Loïc. Ils repartent de zéro, en misant sur une race qu’ils apprécient : l’aubrac. Aujourd’hui, le troupeau compte 90 mères, rustiques, adaptées à leur mode d’élevage.
Un voisin, une opportunité, un nouveau départ
L’histoire aurait pu s’arrêter là. Mais en 2018, un voisin, producteur de noisettes sur 20 hectares, leur propose de reprendre son verger. « Il nous a dit : ''Je vous laisse les 20 hectares, et vous faites ce que vous voulez'' », raconte Loïc. Après réflexion, Alexandrine et lui décident d’accepter. « Nous avons regardé les marchés locaux. Notre voisin simplifiait les choses en vendant toutes ses noisettes à une huilerie », précise-t-elle.
La reprise devient officielle en 2019. Les Chocat utilisent, durant les premières années, le matériel de leur voisin afin d’éviter des investissements trop lourds. Leur fils Benjamin, alors en BTS, choisit d’arrêter ses études pour rejoindre ses parents. « Nous avons donc repris les noisettes sous une autre identité », explique Loïc. La structure prend la forme d’une SCEA, où Loïc et Alexandrine sont associés : exploitant pour lui, non-exploitante pour elle.
Le verger qu’ils reprennent n’est pas anodin : il date des années 1970. « Ma grand-mère avait participé à la plantation », souligne Alexandrine. Un héritage que le couple a souhaité prolonger. « Un verger, c’est pour la vie. »
La noisette, sans mode d’emploi
Au moment de la reprise, plusieurs pistes s’ouvrent : rejoindre la coopérative Unicoque, basée dans le Sud-Ouest, ou travailler en autonomie. Le couple décide de rester en dehors de la coopérative et de travailler en autonomie. « Nous avions essayé de nous rapprocher de la chambre d’Agriculture du Lot-et-Garonne, mais comme nous n’étions pas du secteur, nous n’avons pas eu d’informations », explique Alexandrine.
Ils se lancent donc seuls, sans appui technique ni aide financière, avec simplement les conseils de leur voisin. « Depuis, on se débrouille sur tout : production, récolte, commercialisation », résume Loïc. L’organisation repose sur une mécanique bien rodée, où chacun tient son rôle.
Leurs clients sont variés : des huiliers traditionnels du Loiret, de la Nièvre et du Cher, mais aussi des transformateurs, des restaurateurs, des chocolatiers ou des artisans qui fabriquent des pâtes à tartiner artisanales. « Nous vendons aussi dans quelques épiceries fines et magasins de producteurs de notre secteur », détaille Alexandrine.
Sur place, ils assurent eux-mêmes une partie de la transformation, le cassage, la torréfaction, la préparation des lots. Ils aimeraient développer la vente directe sur les marchés, mais le temps manque.
Une récolte minutieuse et des savoir-faire maison
De septembre à octobre, la récolte mobilise toute la famille. Les noisettes sont nettoyées, triées et calibrées. Le tout grâce à une installation conçue et assemblée par Loïc et Alexandrine. « On a tout pensé nous-mêmes », résume Loïc. Dans la cour, les trieurs, séchoirs et convoyeurs témoignent d’un sens pratique aiguisé : ici, on optimise, on bricole, on adapte.
Une partie de la récolte est cassée rapidement pour un client qui recherche des noisettes fraîches, notamment destinées à la restauration haut de gamme. Les autres sont lavées, séchées, puis « stabilisées ». Elles peuvent ainsi être conservées un an sans perte de qualité.
Les enfants participent pleinement à la dynamique familiale. Benjamin, 26 ans, et Pauline, 24 ans, sont salariés sur l’EARL en polyculture-élevage. « Après un BTS et un passage dans la comptabilité, j’ai travaillé trois ans avant de revenir sur la ferme », explique Pauline. Le plus jeune, Antonin, 21 ans, travaille aujourd’hui chez un entrepreneur agricole, en attendant que ses parents prennent leur retraite. La famille est unie, soudée autour du travail et de la transmission.
Face au balanin, une lutte sans solution durable
Si le verger se porte bien, la noisette reste une culture fragile. Les Chocat doivent composer avec le balanin, un petit charançon qui perce la coque pour y pondre ses œufs. La larve qui en sort dévore ensuite l’amande, laissant derrière elle une coquille vide percée d’un trou. « Nos vergers sont en bordure de forêt, donc forcément exposés », indique Loïc.
Jusqu’à récemment, ils utilisaient l’acétamipride, autorisé jusqu’à son retrait dans le cadre des débats autour de la loi Duplomb. « On nous a retiré l’acétamipride malgré la démocratie. Je trouve fou qu’une pétition de 2 millions de personnes fasse basculer l’Assemblée nationale », estime Loïc.
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Depuis cette interdiction, les traitements restants sont moins efficaces. « Avant, on passait une à deux fois et c’était efficace à 100 %. Aujourd’hui, on doit traiter plus souvent », constate-t-il. La situation renforce un sentiment d’injustice : « En Italie, ils utilisent un produit ''bio'' qui est interdit en conventionnel en France. C’est de la concurrence déloyale ».
Alexandrine et Loïc ne cachent pas leurs inquiétudes. « Ça ne me fait pas plaisir d’utiliser des insecticides, moi, moins j’en mets, mieux je me porte », confie Loïc. Mais ils redoutent la suite : « C’est la fin de la filière si on continue comme ça ». Le couple regrette que le débat se soit joué sur un coup d’émotion. « Ce qui nous dégoûte un peu, c’est que nous avons voté pour des députés qui sont censés nous représenter, et aujourd’hui, avec une pétition, on arrête tout ».
L’incertitude n’efface pas la détermination
Malgré ces contraintes, les Chocat gardent le cap. Ils ont renoncé, pour l’instant, à replanter de nouveaux noisetiers. « On a la clientèle, mais à quoi bon planter si nous n’avons plus rien à récolter ? », interroge Loïc. Leur lucidité ne les empêche pas de rester positifs. « Nous ne voulons pas faire peur à nos enfants qui veulent reprendre après nous, mais on y pense », ajoute-t-il.
À Malleroy, les journées sont longues et le travail ne manque pas. Entre les vaches, les champs et les noisettes, chacun trouve sa place. Dans cette ferme familiale, tout repose sur la solidarité et le bon sens. Les Chocat avancent comme ils l’ont toujours fait, avec courage, simplicité et la fierté du travail bien fait.