Témoignage
[80 ANS FDSEA 77] Anne-Marie Nuyttens : « Une vision résolument positive de l'agriculture »
Exploitante agricole à Jouarre, Anne-Marie Nuyttens fait partie de cette génération de femmes engagées pour la profession, mais qui ont également eu une activité à l'extérieur. À l'occasion des 80 ans de la FDSEA 77, elle résume en quelques phrases clés les moments forts qu'elle retient de ces sept décennies passées et nous fait part de sa vision pour l'avenir.
Exploitante agricole à Jouarre, Anne-Marie Nuyttens fait partie de cette génération de femmes engagées pour la profession, mais qui ont également eu une activité à l'extérieur. À l'occasion des 80 ans de la FDSEA 77, elle résume en quelques phrases clés les moments forts qu'elle retient de ces sept décennies passées et nous fait part de sa vision pour l'avenir.

« 1992, première réforme de la Politique agricole commune »
« C'était une période charnière où le métier devait se jouer différemment. La considération du métier de l'intérieur comme de l'extérieur a été modifiée. Le fruit de nos productions agricoles n'était plus le seul socle de notre revenu. Et la société commençait à baigner dans l’écologisme pas toujours cohérent avec l'écologie. Elle est devenue "comptable" jusqu’à vouloir devenir ''arbitre''. Si on peut regretter l'avant, on doit gérer cette donne. »
« La fin des GDA et progressivement de la vie active des syndicats communaux et le regroupement de cantons »
« En cause certainement, la restructuration car le nombre d'agriculteurs se réduisant fortement, les syndicats cantonaux se sont plus ou moins regroupés. Dans les mêmes années, les GDA et les Ceta, fers de lance du développement agricole voulu par les politiques d’après-guerre, ont cessé d’être les piliers de vulgarisation technique. Mais ils étaient bien plus que cela ! Ces deux éléments cumulés ont réduit et vidé la vitalité des structures locales. Personnellement, je regrette cette période. Nous avons perdu en qualité relationnelle. Même si aujourd'hui bien sûr il y a d'autres modes de liaison entre nous, comme les boucles Whatsapp et autres réseaux. Si je les apprécie également, ce n'est pas la même chose. »
« Deux manifestations parmi d’autres »
« Les manifestations étaient musclées et considérées à l’époque comme notre moyen privilégié d’expression. Pendant une trentaine d'années, peut-être un peu plus, j’en ai raté peu. Deux d'entre elles restent gravées dans ma mémoire. L’une rue de Varenne, face au ministère de l'Agriculture : subitement encerclée, une petite quinzaine d’agriculteurs seine-et-marnais s’est trouvée prisonnière et est restée trois heures aux côtés des CRS. Dans le même temps, des échanges musclés et nourris animaient les opposants de l’autre côté boulevard des Invalides. À l'époque nous n'avions pas de portable. Nous étions condamnés à attendre. Libérés, j’ai retrouvé mon père, furieux car marqué d’un bel œuf sur son crâne dégarni, à cause de la matraque "d’un petit jeune c.. de CRS". L’autre manifestation, c’était mon baptême lacrymo à Versailles. Je n'ai jamais couru aussi vite. »
« La fierté de voir la génération des jeunes développer de belles activités et se bouger pour se fabriquer un revenu agricole diversifié avec des motivations hors des sentiers battus »
« En Seine-et-Marne, certains se sont parfois endormis. Les formations initiales de nos jeunes les poussent à devenir des acteurs économiques majeurs, bien que silencieux. Je les admire. »
« Une vision résolument positive de l'agriculture et du syndicalisme »
« De l’agriculture, et des hommes et femmes qui la composent, j'ai une vision résolument positive. La source des passionnés de l’agriculture, quelle que soit la forme qu’elle prendra, ne tarira pas. Notre métier est archaïque au sens premier et le plus moderne qui soit. Le balancier de la vie, tout discret, agit et reviendra. Il promet à nos contemporains de réaliser la chance qu'ils ont d'avoir une agriculture comme la leur et les conduira à cesser d'écouter les contre-vérités assénées par des pseudo-influenceurs.
Le syndicalisme est forcément différent de celui que j’ai connu. La part de communication dans l’action syndicale est telle qu’il est essentiel qu’elle soit partagée avec d’autres structures. La communication positive et éclairante, un clin d’œil à FranceAgriTwittos dont je suis membre, est nécessaire.
Reste le job "ingrat" car difficile du syndicaliste qui lui travaille sur la vraie vie au-delà des publications. Merci à ceux qui se dévouent à cette tâche. Oui, j’ai confiance dans le syndicalisme, intelligent bien sûr. »
Cet article fait partie d'un dossier spécial 80 ans de la FDSEA 77