Législation
Face aux reculs politiques, les agriculteurs loirétains se font entendre
À la suite de l'examen par la commission développement durable de la loi Entraves à l'Assemblée nationale la semaine précédente, les représentants de la FNSEA et des Jeunes agriculteurs du Loiret ont interpellé, lundi 12 mai à Orléans, la députée Constance de Pélichy sur ses positions jugées contraires aux besoins du terrain.
À la suite de l'examen par la commission développement durable de la loi Entraves à l'Assemblée nationale la semaine précédente, les représentants de la FNSEA et des Jeunes agriculteurs du Loiret ont interpellé, lundi 12 mai à Orléans, la députée Constance de Pélichy sur ses positions jugées contraires aux besoins du terrain.

C’est dans un climat de forte tension que les représentants de la FNSEA et des Jeunes agriculteurs du Loiret ont rencontré, lundi 12 mai à Orléans, la députée de la 3e circonscription, Constance de Pélichy. En cause : les amendements qu’elle a soutenus en commission développement durable lors de l'examen de la loi dite Entraves pour lever les contraintes au métier d'agriculteur, jugés incompréhensibles et contraires aux besoins exprimés par le terrain.
Une incompréhension face aux choix politiques
Dès l’ouverture, la salle donne le ton. Un arboriculteur prend la parole pour décrire « la profonde détresse » d’une filière abandonnée. Les retraits successifs de produits essentiels mettent à genoux son exploitation. « Aujourd’hui, nous faisons face à des impasses sur nos plantations pérennes. Planter un arbre, c’est investir sur six à sept ans avant de récolter. Nous avons besoin de garanties, que nos outils de production et de protection soient alignés sur ceux de nos collègues européens. Chaque année, des produits essentiels nous sont retirés ».
Et de résumer la situation en une formule coup de poing : « À vouloir faire plus blanc que blanc, on devient transparent ! ». Le ton est posé, sans détour. Et la lassitude politique est palpable : le même arboriculteur confie qu’il « envisage de ne plus se rendre aux urnes » tant le fossé s’est creusé avec les décideurs.
Les représentants syndicaux ont vivement dénoncé les amendements soutenus par la députée en commission développement durable. Des articles supprimés, d’autres modifiés, souvent en totale contradiction avec les demandes portées depuis des mois par le monde agricole. « On veut nous mettre des bâtons dans les roues », lâche un syndicaliste. Le mot de « trahison » est utilisé sans détour.
Sébastien Leconte, représentant de la FNSEA 45, résume l’absurde paradoxe : « Lors des dernières manifestations, plus de 80 % des citoyens soutenaient nos producteurs français. Pourtant, le monde agricole peine à percevoir l’aide des députés, souvent mal compris ou mal défendus par les représentants politiques ».
CSP et formation : un faux débat pour des professionnels déjà formés
Autre point de désaccord, le Certificat de spécialisation professionnelle (CSP), que les syndicats jugent inutile : « Aujourd’hui, la plupart des agriculteurs sont titulaires d’un bac + 2. La connaissance des produits, les méthodes de production et les compétences techniques ont considérablement évolué. Ces notions sont désormais abordées dès le parcours scolaire ».
Les syndicats rappellent que l’agriculture est déjà un secteur encadré et suivi : « Ce métier n’est pas laissé sans encadrement. Nous sommes accompagnés par des Groupements de développement agricole (GDA), qui assurent un bon suivi et le maintien de la qualité de notre travail ».
Dossier betteraves : l’urgence de réagir
Concernant le dossier des betteraves et des néonicotinoïdes, les producteurs ont rappelé les conséquences désastreuses du retrait des molécules : perte de production, fermetures d’usines, changement de culture forcé. Une mauvaise gestion qui coûte cher à la filière.
La députée a évoqué quant à elle la réautorisation temporaire pour trois années, assortie d’un travail européen sur des solutions alternatives. Alexandre Pelé, président de la Confédération générale des planteurs de betteraves (CGB) Centre-Val de Loire, a pu éclairer la députée sur un sujet souvent mal connu, y compris au sein du monde politique. Il a rappelé que les décisions prises sur les néonicotinoïdes reposent trop souvent sur des idées préconçues, largement relayées dans les médias, loin des réalités agronomiques du terrain.
L’eau, une bataille à mener d’urgence
Le sujet de l’eau a été martelé avec force. Jean-Louis Lefaucheux, secrétaire général de la FNSEA 45, a insisté : « On a besoin de votre appui, on a besoin de ce contrat de confiance sur nos territoires ». Les agriculteurs attendent des décisions politiques claires pour garantir l’accès à l’eau, ressource vitale pour les cultures comme pour l’élevage. Marine Legrand, JA, a insisté sur le rôle clé de l’eau pour nourrir le bétail : « Sans eau, pas d’agriculture ».
Une députée à l’écoute, mais la confiance est entamée
En conclusion, Constance de Pélichy a exprimé son engagement à défendre l’agriculture à l’Assemblée, en s’appuyant sur des visites de terrain pour mieux comprendre les enjeux. Elle s’est dite « déterminée à maintenir le lien » avec les exploitants.
Mais côté agriculteurs, la vigilance reste de mise. « Ce qu’on attend, ce ne sont pas des déclarations d’intention. Ce sont des décisions concrètes », on-t-il résumé.
Le nouveau président de Jeunes agriculteurs 45 a exprimé les inquiétudes de la relève : « Les jeunes, ainsi que ceux en reconversion, attendent beaucoup des décisions à venir pour avoir une vraie visibilité sur l’avenir de ce métier. Il est difficile de motiver des jeunes à s’installer dans des fermes non viables, faute de moyens de production adaptés ».
Les agriculteurs du Loiret souhaitent désormais pouvoir échanger directement avec le député Richard Ramos. Le terrain attend de la clarté, du courage, et une prise de position alignée avec les réalités agricoles. Un monde agricole qui ne se contente plus d’être écouté, il veut être entendu.
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« Des échanges courtois, mais fermes »

Jean-Louis Lefaucheux, secrétaire général de la FNSEA 45, revient sur cette rencontre et alerte sur les risques encourus par la profession.
« Cette rencontre avec Madame de Pélichy était très attendue par la FNSEA 45 et les Jeunes agriculteurs. Le projet de loi Duplomb, qui reprend en grande partie les demandes portées par nos syndicats — notamment sur la simplification administrative (CSP, ICPE pour les élevages…) et l’accès aux moyens de production (eau, produits phytosanitaires, etc.) — est aujourd’hui menacé par une série d’amendements issus de différents groupes politiques. À force de modifications, il risque d’être vidé de sa substance.
Les échanges avec Madame la Députée ont été courtois, mais fermes. Il était essentiel qu’elle prenne pleinement conscience des risques réels de déstabilisation — voire d’abandon pur et simple — de certaines filières si ce texte venait à être dénaturé.
Nous avons mené ce travail de sensibilisation auprès de l’ensemble des parlementaires du Loiret. Il est impératif que chacun mesure les enjeux vitaux que ce projet de loi représente pour l’agriculture locale.
Et si, malgré cela, le message ne devait pas être compris, nos réseaux syndicaux se tiennent prêts. Des actions concrètes pourraient être envisagées très prochainement. »