Le Loiret, place forte du safran
Longtemps au cœur d’un commerce florissant, la culture du safran a façonné l’histoire agricole du Gâtinais. À Boynes, une poignée de passionnés s’attache aujourd’hui à préserver cette mémoire et à faire connaître un savoir-faire local unique.
Longtemps au cœur d’un commerce florissant, la culture du safran a façonné l’histoire agricole du Gâtinais. À Boynes, une poignée de passionnés s’attache aujourd’hui à préserver cette mémoire et à faire connaître un savoir-faire local unique.




Alors que la fleur de safran, le crocus sativus, ne s’épanouit qu’en automne, c’est bien en plein été que nous partons à la découverte de cette culture emblématique, aujourd’hui relancée à Boynes, dans le Loiret. Autrefois capitale mondiale du safran, cette petite ville du Gâtinais a connu plusieurs siècles de prospérité autour de cette épice rare, précieuse et exigeante. La Maison du safran, située au cœur de la commune, retrace cette histoire étonnante, entre tradition agricole, savoir-faire local et redécouverte moderne. À travers les récits, les objets d’époque, les échantillons de fleurs et les étapes de transformation, on comprend vite pourquoi cette culture a marqué la mémoire du territoire.
L'histoire du safran dans le Loiret
La culture du safran aurait été introduite à Boynes au XIVe siècle par un certain Pocquaire, seigneur du lieu, de retour d’Avignon. Dès le XVIe siècle, Boynes devient un centre reconnu de production, au point d’être qualifiée de capitale mondiale du safran. Les foires locales attirent acheteurs allemands et hollandais, notamment autour de la Toussaint. Le commerce est si établi que les bulbes de crocus figurent dans les dots et donnent lieu à un carnaval local.
En 1698, un édit de Louis XIV officialise cette culture dans le Gâtinais. Des auteurs comme Don Morin ou Duhamel du Monceau, grand botaniste du XVIIIe siècle, documentent la prospérité et les techniques de cette production. À son apogée, elle représente un commerce de plus de 300 000 livres par an. Le déclin s’amorce à la fin du XIXe siècle. Les hivers rigoureux de 1880 et 1881 détruisent une grande partie des bulbes, le coût de la main-d’œuvre augmente, les colorants de synthèse apparaissent, et la demande baisse. En 1930, le dernier champ disparaît.
Une relance ambitieuse
En 1987, un groupe d’agriculteurs décide de relancer la culture du safran à Boynes. Ils créent l’association Les Safraniers du Gâtinais, et en 1988, font venir 50 000 bulbes de crocus du Cachemire. Avec ce projet, ils visent à retrouver une valeur patrimoniale régionale, tout en développant un modèle de diversification associant production, tourisme vert et recherche agronomique.
Aujourd’hui, des producteurs récoltent quelques kilos de safran. Avec le safran, la patience est le maître-mot, il faut environ une heure et demie de travail pour produire un seul gramme, en comptant la cueillette, l’émondage et le séchage. Car le safran véritable doit rester rouge vif, souple, et ne jamais être oxydé. Les safraniers du Gâtinais misent sur un produit haut de gamme, destiné aux restaurateurs, aux marchés spécialisés et aux boutiques de terroir.
La Maison du safran
À Boynes, le Musée du safran accueille les visiteurs toute l’année pour leur faire découvrir l’histoire de cette culture emblématique. Ce sont Jean-Jacques et Viviane Rousseau qui assurent les visites, avec une grande connaissance du sujet et un attachement sincère à la mémoire locale. Pour eux, faire vivre ce lieu va bien au-delà de la transmission. « Pour nous, c’est important de faire vivre ce musée, par respect pour les anciens », confient-ils.
Leur accueil chaleureux, ponctué d’anecdotes, permet de mieux comprendre ce qu’était, autrefois, le quotidien des safraniers du Gâtinais. Et parfois, les visiteurs leur réservent de belles surprises. « Un jour, un groupe est venu visiter la Maison du safran après un voyage au Sri Lanka, raconte Jean-Jacques Rousseau. Leur guide local leur avait affirmé que le meilleur safran du monde venait du Gâtinais. C’est quand même fou quand on y pense ».
Une filière loirétaine
Aujourd’hui, la culture du safran reste modeste dans le Loiret, mais elle témoigne d’un réel engagement local. Elle attire des agriculteurs en quête de diversification, des passionnés de plantes, et même des jeunes installés séduits par la finesse du produit et la richesse de son histoire. Grâce à l’association des Safraniers du Gâtinais et à des lieux comme le Musée du safran, ce savoir-faire ancien trouve une nouvelle place dans le paysage agricole du département.
Le safran ne retrouvera peut-être pas les volumes d’antan, mais il continue de faire rayonner le Gâtinais bien au-delà de ses frontières. Par sa qualité, son exigence et la passion de celles et ceux qui le cultivent, il reste une belle promesse pour l’avenir de l’agriculture locale.
+ d'infos :
Le Musée du safran est ouvert le premier week-end du mois de 14 h 30 à 18 heures,
au 21 route de Pithiviers à Boynes.
Plus d'infos au 02.38.33.14.81.
Le safran dans le monde
La France produit aujourd’hui moins de 100 kg de safran par an, ce qui reste très marginal à l’échelle mondiale. À titre de comparaison, voici les principaux pays producteurs : Iran : 150 à 200 tonnes par an, soit 90 à 95 % de la production mondiale ; Inde / Cachemire : 10 à 20 tonnes ; Turquie : environ 10 tonnes ; Grèce : 4 à 8 tonnes ; Maroc : 2 à 4 tonnes ; Azerbaïdjan : 2 à 3 tonnes ; Afghanistan : environ 2 tonnes ; Espagne : environ 1 tonne ; Italie : environ 100 kg (source : safran-occitanie.com).