Le marché de la pomme de terre en baisse en pleine récolte 2025
En pleine récolte, l'Union nationale des producteurs de pommes de terre s'inquiète des prix du marché. Jean-Claude Coisnon, producteur et négociant en Essonne, explique la situation.
En pleine récolte, l'Union nationale des producteurs de pommes de terre s'inquiète des prix du marché. Jean-Claude Coisnon, producteur et négociant en Essonne, explique la situation.





Alors que la récolte de pommes de terre bat son plein en cette fin d'été 2025, l'Union nationale des producteurs de pommes de terre (UNPT) s'inquiète d'une progression exceptionnelle des surfaces conjuguée à un contexte économique international compliqué pour l’export qui ont pour conséquence de faire baisser les prix du marché. « C'était prévisible », estime Jean-Claude Coisnon, producteur et négociant basé au Mérévillois (Essonne).
« Les bonnes conditions de plantation et les conditions météorologiques du mois de juin ont accéléré la croissance des pommes de terre. Nous avons commencé la récolte avec deux semaines d'avance, le 9 juillet. En vingt-sept ans de métier, je n'avais jamais connu ça », raconte l'exploitant agricole. Cette précocité a été constatée dans toute la France, mais aussi dans les autres pays du sud de l'Europe. Le marché de la pomme de terre est principalement européen et la France, premier exportateur mondial de pommes de terre, est à la fois un poids important dans l'évolution de ce marché, mais également dépendant de celui-ci pour les débouchés.
Les pommes de terre primeur 2025 n'ont pas trouvé preneur à cause des stocks de 2024 très importants à fin juin 2025. Les opérateurs ont voulu écouler leurs stocks de vieilles pommes de terre en priorité et n’ont pas acheter de pommes de terre primeurs du sud de l’Europe ou des régions françaises de primeurs (Sud-Est, Sud-Ouest, Vendée, Bretagne, etc.). « L'an dernier, nous avons eu une grosse récolte sur l'aspect quantitatif, mais pas sur le qualitatif, donc tous les opérateurs avaient des stocks importants », précise Jean-Claude Coisnon. « Trop de pommes de terre, trop tôt et partout… Le marché s'est écroulé. De 200 à 300 € la tonne ces dernières années, le prix est passé à 80 € la tonne en pleine récolte 2025. Aujourd'hui, le coût de production est à 150 € la tonne », ajoute-t-il.
Une année record en quantité
En effet, 2025 pourrait être une année record pour la France en termes de quantité. Selon l'UNPT, la production de pommes de terre de conservation pourrait atteindre 8,5 millions de tonnes, soit près de 900 000 tonnes supplémentaires par rapport à l’an dernier. Cette augmentation s’explique par une progression exceptionnelle des surfaces qui atteignent 197 000 hectares, avec une hausse de 25 % depuis 2023. « J'ai commencé en 1999, il y avait 95 000 hectares de pommes de terre et 4 millions de tonnes de production », se remémore le négociant de près de 55 000 tonnes par an sur une trentaine de variétés, le tout avec une soixantaine de producteurs. « La production a doublé en vingt-cinq ans », ajoute-t-il.
Plusieurs raisons justifient une telle évolution, et notamment la hausse importante de consommation de pommes de terre imputable à la partie industrielle et aux produits transformés (frites, chips, etc.). « Dans le Nord de la France, plusieurs projets d'usines de production ont vu le jour et d'autres sont en train de suivre », relate Jean-Claude Coisnon. « En Beauce, il y a peu d'industries. Nous produisons surtout du frais pour les marchés de gros et la grande distribution au niveau national et pour l’export dans toute l’Europe. Cependant, quand le marché de l'industrie baisse, celui du frais suit », complète l'Essonnien. Et d'ajouter : « Le surplus de production arrive trop tôt pour être absorbé par ces usines qui ne sont pas encore opérationnelles ».
Le risque d'une année à perte
Par ailleurs, les trois dernières années ont été bonnes avec des prix élevés, pendant que les cours des céréales étaient en baisse et que les rendements de betteraves diminuaient à cause de la jaunisse et d’autres maladies. Ces différents facteurs ont incité certains agriculteurs à cultiver des pommes de terre, parfois sans contrats et débouchés au préalable. « Tous ceux qui ont des bonnes terres et de l'irrigation peuvent faire des pommes de terre », estime Jean-Claude Coisnon. « Ces dernières années, beaucoup d’agriculteurs ont investi dans du stockage et du matériel pour développer leur production. Ceux qui investissent sont obligés de continuer », ajoute-t-il.
L'exploitant agricole a du mal à imaginer un retour à la hausse des prix rapide : « Il y a une augmentation des surfaces très violente, tandis que les rendements vont être corrects (au niveau national, l'UNPT prévoit une baisse de 5 % seulement par rapport à 2024, NDLR). En Beauce, au sud d'Étampes, les rendements sont plutôt moyens, mais pas mauvais. Certaines variétés n'ont pas aimé les coups de chaud de juin, mais ça reste correct. Le marché est compliqué, tout le monde va stocker ».
Les producteurs de pommes de terre savent qu'ils vont vivre une mauvaise année. « Elle risque d'être à perte, ça sera zéro ou moins de zéro », affirme Jean-Claude Coisnon. Mais il faut tout de même nuancer selon lui : « La pomme de terre fonctionne par cycle. Quand vous avez trois bonnes années, ça finit par se corriger, sinon les surfaces explosent et nous aurons plus de pommes de terre que de betteraves en France et en Europe. Pour évaluer la rentabilité de la pomme de terre, il faut faire un calcul sur dix ans ». Il faudra donc scruter de près le marché ces prochains mois. Jean-Claude Coisnon ne serait pas étonné de vivre une année 2026 également compliquée : « Ce qui arrive, c'est de la logique. Ça devait arriver, il faudra peut-être une deuxième année comme 2025 pour que les surfaces arrêtent d'augmenter ? Comme d’habitude, la météo aura son mot à dire, mais le marché rebondira un jour. »
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