Aller au contenu principal

Témoignage
« Certains jeunes de mon âge sont très surpris de ma volonté de m'installer comme agricultrice »

Les casse-tête administratifs, le difficile accès au foncier, le regard parfois incrédule des autres, tout cela n'a pas entamé la détermination de certains jeunes à choisir le métier d'agriculteur. Nous avons recueillis le témoignage de trois d'entre eux. Voici celui de Justine Lemarié, 24 ans, qui s'installe à Favrieux (Yvelines). 

Justine Lemarié, 24 ans, s'installe sur 80 hectares dans la région de Favrieux (Yvelines).
Justine Lemarié, 24 ans, s'installe sur 80 hectares dans la région de Favrieux (Yvelines).
© C.A. - Horizons

Justine Lemarié, 24 ans, s'installe en grandes cultures bio sur 80 hectares à côté de Favrieux (Yvelines). Une installation hors cadre familial, facilitée néanmoins par un père agriculteur.

« Mon père est la troisième génération installée à Favrieux. Il exploite 150 hectares en grandes cultures, en bio depuis 2001. Après un premier BTS Acse (Analyse, conduite et stratégie de l'entreprise agricole), j'ai pris conscience que ce que j'aimais, c'était être sur le terrain. J'ai donc bifurqué vers un BTS APV (Agronomie productions végétales), que j'ai adoré. Au départ, je pensais plutôt m'investir dans la transformation. Et puis j'ai travaillé avec mon père, fait plusieurs saisons chez nous et dans des exploitations voisines… et je me suis prise de passion pour ce métier. Il y a tant de choses à imaginer et à réaliser ! La ferme m'a rattrapée.

Se sentir légitime pour s'installer

Après le BTS, j'ai poursuivi en licence pro, ce qui m'a aidée à réfléchir, à voir autre chose. À partir de ce moment, je me suis sentie légitime à m'installer. Mes parents n'ont pas été surpris par ma décision de m'installer, mes amis proches non plus. En revanche, certains jeunes de mon âge qui ne sont pas dans le milieu agricole sont très étonnés. Ils me disent qu'ils n'ont jamais rencontré d'agriculteur de moins de 50 ans !

Mon projet est de reprendre 80 hectares, hors cadre familial, à 15 km d'ici. Mon père travaille déjà sur l'exploitation, qui comprend 70 hectares : il connaît donc bien la ferme et les terres, ce qui est une grande chance pour moi. La cession devrait donc se faire facilement, dans la continuité. En plus, j'ai gagné un appel d'offres d'Île-de-France Nature pour 10 hectares supplémentaires.

Je vais poursuivre les cultures en bio, dans un premier temps. Peut-être que je me réinventerai plus tard… Nous sommes nombreux à nous installer suivant le modèle de nos parents, dans un premier temps, quitte à faire évoluer les choses dans un second temps. S'installer est déjà un énorme pas, et encore, j'ai la chance de n'avoir ''que'' l'installation à payer, car je vais pouvoir utiliser le matériel de mon père.

Voir également notre article Les installations en chiffres

Des démarches longues et fastidieuses

Ce qui m'a stressée, ce sont les délais. Quand on commence, on a l'impression d'un long fleuve interminable de démarches, même si je conçois bien que le but de ce parcours est de filtrer les candidatures. Pour s'installer, il faut avoir les épaules, ce ne peut pas être une passade. D'abord, j'ai participé à la réunion PAI* au printemps 2023, puis j'ai réalisé mon plan de professionnalisation personnalisé en septembre, et mon stage 21 heures. J'ai monté mon dossier avec mon comptable. Ensuite, j'ai contacté la DDT, les banques, la chambre d'Agriculture. Une fois la cession réalisée, il faudra que je transmette tous les documents nécessaires pour les aides Pac, afin qu'il soit bien noté que je suis désormais la cheffe d'exploitation.

Dans mon secteur, les gens sont habitués à voir des femmes sur les tracteurs. Je ne suis ni la première, ni la seule. Néanmoins, cela reste un domaine très masculin.

Je suis forcément un peu tendue, car je me demande ce qui va se passer, si tout l'administratif va suivre. Mais je suis aussi heureuse de voir mon projet de vie qui aboutit. Je sais pourquoi je le fais. Je ne suis pas inquiète sur l'avenir de mon métier : sans agriculture, on ne mange plus. Ce qui m'ennuie davantage, c'est la vision que les autres ont de nous, surtout s'il s'agit de personnes qui déterminent ce que l'on sera. Il y a un grand fossé entre les agriculteurs et l'opinion publique. Il faudrait faire de la communication, organiser des interventions agricoles dans les écoles. Quand je suis sur mon tracteur, les enfants de 3 ans me sourient ; à 13 ans, ils ne me regardent plus. C'est dommage ».


*Point accueil installation.

Voir également le témoignage de Gabriel Rousseau : Je veux faire ce métier depuis l'âge de 8 ans

Sous-titre
Vous êtes abonné(e)
Titre
IDENTIFIEZ-VOUS
Body
Connectez-vous à votre compte pour profiter de votre abonnement
Sous-titre
Vous n'êtes pas abonné(e)
Titre
Créez un compte
Body
Choisissez votre formule et créez votre compte pour accéder à tout Horizons

Les plus lus

Vendredi 26 septembre, à Blois. Deux convois d'une dizaine de tracteurs chacun ont traversé les routes de la ville en opération escargot, avant de rejoindre la préfecture.
Les agriculteurs sèment leur colère devant la préfecture de Loir-et-Cher 📹
À l'appel de la FNSEA 41 et de JA Loir-et-Cher, une quarantaine d’agriculteurs ont sorti les tracteurs, vendredi 26 …
Les dégâts de sanglier sur les cultures de printemps représentent des pertes économiques considérables pour de nombreux agriculteurs.
Un premier pas pour lutter contre les sangliers en Loir-et-Cher
Après la demande formulée par la FNSEA et JA 41, une réunion avec le préfet de Loir-et-Cher s’est tenue mardi 7 octobre au…
S'abonner
Pour profiter de l'intégralité du contenu de notre site Internet, recevoir votre journal papier dans votre boîte aux lettres…
Houdan (Yvelines), lundi 22 septembre. De g. à d. : Benoît Breemeersch, éleveur normand adhérent à Cooperl, Bernard Rouxel, éleveur président de Cooperl et Philippe Coudray, directeur du site.
Un nouveau départ pour l'abattoir de Houdan
Repris par la coopérative Cooperl, l'abattoir de Houdan (Yvelines) a changé d'identité et, après quatre années de rénovation, s'…
Le maïs sauve sa récolte, pas ses revenus
Dans le Loiret, la campagne maïs se déroule sous de bons auspices sur le plan agronomique, notamment en irrigué. Mais pour…
Maxime Cherrier, président de la SAS Noix du Val de Loire et producteur de noix à Josnes, revient sur la saison de récolte 2025 en Loir-et-Cher.
Une récolte de noix correcte mais pas à la hauteur des espérances
Depuis la fin septembre, les producteurs de noix sont en pleine récolte en Loir-et-Cher. Celle-ci devrait durer jusqu’à la fin…
Publicité