Syndicalisme
« Interdit de produire en France, autorisé à consommer »
Pour dénoncer une concurrence déloyale et sensibiliser le grand public, une trentaine d'agriculteurs du Loiret a investi, jeudi 28 août, les rayons du magasin Carrefour de Saran.
Pour dénoncer une concurrence déloyale et sensibiliser le grand public, une trentaine d'agriculteurs du Loiret a investi, jeudi 28 août, les rayons du magasin Carrefour de Saran.




Jeudi 28 août en fin de journée, les clients du Carrefour Cap Saran, au nord d’Orléans, ont vu les rayons d’épicerie se vider à vue d’œil. Une trentaine d’agriculteurs du Loiret, issus de la FNSEA, de Jeunes agriculteurs et de la Confédération générale des planteurs de betteraves (CGB), ont retiré biscuits, chocolats, pâtes à tartiner et miels importés des rayons. Tous ces produits ont été regroupés dans des chariots avant d’être recouverts d’étiquettes rouges : « Interdit de produire en France, autorisé à consommer ».
« Cette action permet de montrer la cohérence entre l’exigence des normes de production à la société française et l’acte de consommation. C’est important de la faire pour alerter », explique Sébastien Méry, président de la FNSEA 45. Et de prévenir : « On est dans une période cruciale où, si on n’a plus de moyens de production pour notre agriculture française, demain on sera incapables de produire sur notre territoire. C’est déjà le cas de certaines filières ».
Le poids des normes européennes
Au cœur de la contestation, l’interdiction en France de plusieurs molécules, dont l’acétamipride. Jugée essentielle pour protéger les cultures, cette substance reste autorisée dans 26 pays de l’Union européenne sur 27. Les agriculteurs dénoncent une distorsion de concurrence : les produits issus de ces pays continuent d’arriver en rayon, tandis que les producteurs français, eux, sont privés de cet outil.
« Le but était de montrer que dans les rayons, des produits sont vendus avec des moyens de production interdits chez nous. Il fallait alerter le consommateur », insiste Sébastien Méry.
Une voix apicole
Parmi les manifestants, un apiculteur du Loiret a tenu à s’exprimer. Alors que l’acétamipride est souvent accusé d’être un tueur d’abeilles, il a livré un témoignage sans détour : « J’ai pas peur que mes abeilles aillent dans les champs. Elles ne meurent pas du fait du travail des agriculteurs, mais du miel d’importation. Sans les agriculteurs, on ne pourrait pas vivre de l’abeille, laissons-les travailler ! ».
Un discours rare, selon les syndicats, qui soulignent que la première cause de mortalité des colonies reste le varroa, parasite endémique, davantage que les pratiques agricoles locales.
Les consommateurs avec les agriculteurs
Sur le moment, certains clients se sont dit déconcertés par la méthode. Mais passé l’étonnement, beaucoup sont venus à la rencontre des agriculteurs pour les interroger sur leurs motivations, les encourager ou simplement échanger. Ces discussions improvisées dans les allées du supermarché ont constitué un temps fort de la mobilisation, permettant de replacer les enjeux agricoles au cœur du quotidien des consommateurs.
Maintenir la pression
À travers ce coup d’éclat, les organisations syndicales veulent maintenir le débat sur la table. Leur demande : une harmonisation européenne des normes et un engagement accru des distributeurs à privilégier l’origine France.
« Si on ne se réveille pas, à l’horizon de cinq ans, on dépendra totalement des importations. C’est risqué », conclut Sébastien Méry.
Dans les allées du supermarché, les chariots chargés de produits importés ont marqué les esprits. Une image forte que les agriculteurs espèrent durable, pour rappeler que derrière chaque pot de pâte à tartiner ou de miel, c’est aussi l’avenir de l’agriculture française qui se joue.
Voir aussi FNSEA et Jeunes agriculteurs d'Eure-et-Loir en action chez Carrefour à Chartres